Babylon Circus : « Nous, quand on vient en Belgique, ce n’est pas pour payer moins d’impôts ! »

Le groupe français Babylon Circus est réputé pour son incroyable performance et dynamique lors de ses concerts. ManiFiesta résonnera de leur rock-ska-reggae rythmé, engagé et poétique.

Comment est né le groupe ?

David Baruchel. Babylon Circus existe depuis 1995. C’est la concrétisation d’un rêve de deux gamins. Manuel, l’autre chanteur, et moi. On était juste majeurs à l’époque, on a débuté alors qu’on était encore au Lycée. On rêvait de voyager avec le plus beau des passeports : la musique. On vient d’une petite ville de la Loire (Sud-est), le long de la Nationale 7. On voyait des types partir avec leur camionnette à 150 km pour jouer. Ça nous faisait rêver. On voulait partir jouer plus loin. D’abord au-delà de la région, du département, du pays puis du continent. C’est un rêve qui se réalise perpétuellement.

On a choisi le ska car Manuel aimait le reggae et moi le punk. Mais nos influences étaient, et sont, plus larges : ça va de Brassens à Clash en passant par Bob Marley, la Mano Negra, Jacques Higelin, etc. Et puis on s’est élargi, on a réuni une équipe, ce qui a amené de nouvelles influences, de nouveaux horizons. C’est dû à la chance, à la beauté des rencontres. La curiosité musicale des 9 membres évolue et on ne veut pas, et on ne peut pas, faire deux fois le même album. 

Nous sommes des laborantins de la musique. On expérimente sans cesse. Comme les cuistots qui inventent des recettes et qui renouvellent leur carte. On est connecté à notre époque. On est moderne sans chercher à l’être. On ne veut pas vivre le futur au passé.

Vous êtes neuf sur scène, et en dehors. N’est-ce pas difficile à gérer ?

David Baruchel. Chaque groupe de plus de 1 personne n’est pas facile à gérer (rires). On doit trouver des compromis. L’important, c’est de parler, d’échanger et, à la fin, de raconter la même histoire, que nous soyons tous dans la même trame, la même émotion, la même sensibilité. Dès que le cadre est mis, il n’y a pas de problème. C’est une richesse d’être si nombreux. Et 1+1=3. Alors 9…

Vous faites partie de ce que l’on appelle la scène alternative. Est-ce un choix ? N’avez-vous pas envie de faire les Enfoirés ou la première partie de Johnny ?

David Baruchel. (Rires) On n’avait jamais pensé à ça ! Quand on a démarré dans les années 1990, c’était la fin de la vague alternative française. Nous avons été influencés par elle. Notre but est de voyager, pas de faire de l’argent. On fait de la musique populaire, celle que l’on aime faire. Personne ne pense à nous imposer quoi que ce soit. Ce groupe a une histoire riche. Ce n’est pas maintenant que l’on va changer notre manière de voir les choses et notre manière de faire de la musique.

Vous alternez textes engagés et thèmes plus « légers ». Comment choisissez-vous les thèmes ?

David Baruchel. Ce sont parfois des « heureuses erreurs ». Parfois, on a envie de parler d’amour. Et les gens interprètent ça comme quelque chose d’autre. Par exemple, j’avais écrit une chanson qui parle de rupture. Un mec est venu me voir et m’a dit : « Vous parlez de Sarkozy. » C’était en effet à la fin de son mandat et, alors que je n’y avais jamais pensé avant, il avait raison ! En fait, inconsciemment, en parlant de rupture, je parlais aussi de cette rupture-là. C’est une petite réussite : la chanson est ouverte. 

Nous, nous ne donnons pas de leçons de morale, on ne dit pas aux gens ce qu’il faut penser ou pas. On aime l’idée que notre public s’approprie une chanson. On aime quand une chanson résonne, et raisonne, plus fort. Une chanson ne doit pas avoir de date de péremption. Georges Brassens est toujours d’actualité, par exemple.

Justement, l’actualité en France est marquée par le mouvement social contre la loi travail. Pas envie de chanter sur le sujet ?

David Baruchel. On a envie d’en parler, on n’en pense pas moins évidemment. Mais je n’arrive pas à en parler en tant que tel. Mais cette contestation contre la loi Travail va se retrouver dans une chanson. Je ne sais juste pas encore dans laquelle. 

Quand on voit le climat actuel, avec cette loi El Khomri, ce gouvernement soi-disant de gauche, cette droitisation de la société, ces attentats… on se dit que faire des concerts, c’est important. Ça fait du bien aux gens qui viennent et à nous aussi. Ensemble, on est plus forts. Et on n’a pas besoin de plomber l’ambiance en chantant que « la guerre, ça tue des gens ». Autant regarder les médias traditionnels pour ça.

Prenons L’Envol. Chanter des textes sur la vie, l’amour, est-ce important dans le climat actuel ?

David Baruchel. La résonnance d’une chanson change selon la période. L’œuvre évolue avec l’époque. Cette chanson à un autre sens maintenant, après les attentats et tout ce m… C’est comme avec les Tintin. Quand vous les lisez à 10 ans, vous ne voyez pas la même chose que lorsque vous les relisez dix ans après. Relire Tintin chez les Picaros ou Tintin au Congo quand on est adulte, c’est différent que lorsque l’on est gosse. Politiquement, Hergé… (rires) 

Outre les événements français ou belges, il faut ne pas oublier de regarder ce qu’il se passe partout dans le monde. En 2003, on a passé un mois en Syrie, pour enregistrer un album. On est sensible à ce qui se passe là-bas, à ce qui se passe en Turquie, etc. Il faut s’ouvrir, s’intéresser au monde.

Et tout n’est pas noir. Quand on voit que, malgré ce climat, des millions de gens se mobilisent contre la Loi Travail et le gouvernement, ces gens qui sont à Nuit Debout, etc. ça donne beaucoup d’espoir ! Les gens se bougent, se réunissent. Se rassembler, que ce soit à un concert ou dans une manifestation, c’est positif. 

Quel est votre rapport à la Belgique ?

David Baruchel. C’est difficile de répondre, car c’est notre deuxième maison. J’ai l’impression que les relations entre les gens sont plus simples, directs. Et les gens rigolent plus facilement. Beaucoup d’artistes français commencent leur tournée par la Belgique. Ce n’est pas pour rien. Et nous, quand on y va, ce n’est pas pour payer moins d’impôts ! (Rires)

Vous vous produirez donc à ManiFiesta. Impatients ?

David Baruchel. J’ai lu Solidaire avant l’interview. J’ai lu des articles très intéressants. Il faudrait plus de médias alternatifs. Vous êtes engagés très à gauche ! (Rires) La gauche manque en France… 

Mais pour en revenir à votre festival, c’est la Fête de la Solidarité, se retrouver, partager, compter les uns sur les autres… On en a besoin. Plus que jamais. 

Donc, si je ne devais dire qu’une seule chose à vos lecteurs c’est : venez nombreux ! Plus on est nombreux plus il y a de bruit !

Babylon Circus à ManiFiesta le dimanche 18 septembre à 18h45.

Article publié dans le mensuel Solidaire de septembre 2016. Abonnement.