4 travailleurs témoignent : « Nous avons besoin d'une vraie solution pour la facture fiscale après le chômage corona »

Marco, Didier, Tom et Jérôme travaillent dans des secteurs différents : transport, horeca, ambulances et metallurgie. Mais tous les quatres sont confrontés au même problème : le gouvernement leur impose une facture fiscale salée pour leur période de chômage corona. Ces travailleurs courageux ont connu des moments difficiles pendant la crise du coronavirus. Ils se passeraient bien d’une douloureuse facture fiscale.

Se retrouver en chômage temporaire corona est déjà dur en soi. Les personnes qui sont passées par là méritent donc une vraie solution, sans devoir faire face à un supplément d'impôt. Le PTB a donc présenté une proposition de loi visant à lever l'imposition sur le chômage corona avec effet rétroactif. Cette proposition de loi aligne le taux d'imposition final du chômage corona sur le taux du précompte professionnel réduit. Ainsi, les travailleurs qui étaient en chômage corona l'année dernière se retrouvent dans le même régime fiscal que les indépendants qui ont touché le droit passerelle. Et cela évite le supplément d'impôt pour le chômage corona. Signez la pétition.

Marco (38 ans), conducteur d'autocar

Pour résoudre le problème de la facture fiscale des personnes qui ont été au chômage corona, le gouvernement propose d'échelonner les paiements, mais Marco n’y croit plus. Il a demandé trois fois à bénéficier d'un tel plan d'échelonnement. Mais, à 1 100 euros par mois, son allocation de chômage corona est « trop élevée » pour qu'il puisse bénéficier de cette mesure. Pendant des mois, il a été ballotté d’un côté à l’autre, dans un ping-pong infernal. « Au service des impôts, on me dit que je dois m'adresser au CPAS pour une médiation de dette. Mais là, j'obtiens la même réponse : mon allocation est trop élevée. »

Il ne faut pas être un génie des mathématiques pour comprendre qu'en touchant une allocation de 1 100 euros par mois, on ne peut pas payer en une seule fois un supplément d'impôt de 2 500 euros, dont 1 300 euros dus au chômage corona. Marco est en effet encore en grande partie au chômage temporaire corona, et ce depuis le premier confinement. Cet été, la demande était toujours pratiquement nulle dans le secteur des voyages touristiques en autocar. Quand on doit vivre avec 1 100 euros par mois pendant si longtemps, il est logique de voir ses économies fondre comme neige au soleil. « J'ai utilisé tout mon bas de laine l'année dernière et j'ai dû recommencer cette année. Je vous le dis sans honte : mon compte en banque est tout simplement à zéro. Je n'ai pas un euro d'économies, j'ai dû tout utiliser pour survivre. Comment espèrent-ils que je puisse payer un tel supplément d'impôts ? »

Marco n'a pas baissé les bras et s'est adressé au CPAS, à un médiateur de dettes et à un avocat. Tous disent qu'ils ne peuvent pas faire grand-chose et que la solution est entièrement entre les mains du gouvernement. En désespoir de cause, Marco a même écrit une lettre au Roi, ce qu'il n'avait jamais imaginé faire. « J'ai maintenant trois huissiers sur le dos. Ils ont déjà inscrit tous mes biens. Je dois les payer tous les trois, car ils ne m'accordent plus de report. Je suis dos au mur. »

Avant la crise du coronavirus, Marco n'avait jamais eu de problèmes financiers. « J'ai toujours été en mesure de payer mes factures, mais depuis mars-avril 2020, tout a changé. » En effet, avant la crise du coronavirus, Marco gagnait bien sa vie avec son travail, dans lequel il mettait tout son cœur. « J'ai fait de ma passion mon métier. J'aime rencontrer des gens et découvrir de nouveaux endroits. Donc j’adore mon travail de chauffeur. »

Mais du jour au lendemain, lui et ses collègues ont vu leur travail partir en fumée. « Le confinement a été annoncé aux informations, puis on nous a dit que nous ne roulerions plus. Nos clients ont commencé à annuler leurs voyages. En quinze jours, tout le travail du reste de l'année s'est envolé. » Avec les voyages, c'est aussi la partie variable du salaire de Marco qui s'est envolée.

Ce n'est qu'au bout de deux mois que son employeur s’est mis en ordre pour que Marco perçoive une allocation de chômage corona. Mais celle-ci ne représentait que 70 % du salaire de base, qui est très bas dans son secteur. De nombreux collègues de Marco ont connu des problèmes financiers. Entretemps, beaucoup ont quitté le secteur. Marco est en colère parce que le gouvernement, après avoir annoncé que tout le monde devait se confiner, n'a plus donné aucune autre information à son secteur. Lui et ses collègues sont restés dans le flou le plus total concernant les conséquences financières. « Les seules solutions prévues concernent les grandes entreprises. Mais pour les travailleurs comme vous et moi, ils n'ont pas de solution. »

Pour Marco, c'est clair : il faut repenser totalement la facture fiscale du chômage corona. « Ce n'est plus tenable financièrement. Les factures continuent d'arriver. Les impôts continuent d'arriver. Cette année, je dois payer beaucoup plus que l’an dernier à cause du chômage corona. Mais l'année prochaine, j’aurai à nouveau le même problème, puisque cette année, je suis encore en chômage corona. Financièrement, je ne vais jamais m'en sortir. Tant que le parlement ou le gouvernement ne feront rien à ce sujet, je resterai dans cette situation. Je veux que les responsables politiques comprennent enfin que ça ne peut pas continuer comme ça pour les travailleurs ordinaires. On nous promet beaucoup, on nous donne peu. Ils nous prennent pour des imbéciles. »

Enfin, il tient à dire à ses compagnons d'infortune : « Essayez de rester positifs, ne restez pas avec des pensées négatives. Gardez le courage et espérez le meilleur. »

Didier (35 ans), employé dans l'horeca

En mars de l'année dernière, la pandémie de coronavirus a pratiquement mis la vie à l'arrêt. Pour Didier, touche-à-tout dans l'horeca, réceptionniste d'hôtel à temps plein avec, en plus, un flexijob chargé en tant que gérant d'un bar de nuit, le contraste est énorme. « D'un jour à l'autre, je suis passé d'un volume de travail de 200 % à zéro. Les premières semaines, c'est agréable d'être à la maison pendant le week-end, mais, après, on le sent passer. »

Compte tenu de son intense vie professionnelle, Didier n'a jamais eu de problèmes financiers auparavant. Mais il s'est soudain retrouvé dépendant d'une allocation de chômage corona d'environ 1 400 euros. Un montant qui ne valait que pour son poste de réceptionniste, mais pas pour son flexijob. Il parvenait tout juste à joindre les deux bouts grâce à ses économies.

Mais tout a changé lorsqu'il a attrapé le coronavirus en octobre, l'année dernière, et qu’il s'est retrouvé à l'hôpital. « Vous rentrez chez vous, vos frais fixes continuent de tomber, votre allocation est toujours ce qu'elle est, vos économies ont fondu, et puis vous recevez une facture d'hôpital de 700 euros que vous devez payer dans les 10 jours. En plus de cela, on vous prescrit des médicaments chers. Et vous vous dites : et maintenant, je fais quoi ? »

L'horeca n'a rouvert qu'en mai et, depuis, il n'a pas encore repris son rythme de croisière. Didier était loin de s'être remis du choc financier de ses frais d'hospitalisation lorsque sa facture fiscale est arrivée. Pour la première fois de sa vie, il va devoir payer un supplément. D'au moins 1 500 euros. « Dans l'hôtellerie, on prélève déjà beaucoup d'impôts de votre salaire de toute façon, donc en temps normal, je retouche toujours. » Étant donné que le montant de la retenue à la source déduite de son allocation de chômage corona était inférieur au taux d'imposition final, il a, comme des centaines de milliers d'autres personnes, reçu une facture fiscale salée pour sa période de chômage corona.

À cause de ces frais inattendus, Didier est maintenant obligé de supplier son employeur pour obtenir des heures supplémentaires. « Désormais, je travaille en moyenne de 6h à 15h et de 17h30 à 1h du matin, tant que l'horeca peut rester ouvert, en fait. Je fais ça tous les jours. En général, j'arrive à la maison à 2h du matin et je suis dans mon lit à 2h30. Mentalement, c'est intenable. Aujourd'hui, je me tue au travail pour pouvoir payer mes impôts bientôt, pour payer les factures d'hôpital et pour pouvoir souffler un peu, par exemple pour commander une pizza un jour. »

Pour Didier, le plan d'échelonnement de la facture fiscale proposé par le ministre ne va rien résoudre. « Un plan d'échelonnement ne change rien au fait qu'il va tout de même falloir payer. Si je demande maintenant d'étaler le paiement de ces 1 500 euros, par tranches de, disons, 50 ou 100 euros par mois, je n'aurai pas fini quand je recevrai mon prochain avertissement-extrait de rôle ».

Didier s'attend à ce que cette gueule de bois financière que vivent les personnes dans sa situation se prolonge pendant encore un an et demi à deux ans. Le secteur de l'hôtellerie fonctionne toujours à mi-régime, il sera donc encore en chômage partiel corona pendant un certain temps, avec toutes les conséquences fiscales que cela implique. Personnellement, Didier espère pouvoir éviter autant que possible tous frais supplémentaires imprévus. « Franchement, ces derniers mois, j'ai vraiment prié tous les soirs qu'aucun appareil ne tombe en panne ou que je n'attrape pas une rage de dents, car je n'aurais pas les moyens de me payer ni un nouveau micro-ondes ni un dentiste. »

Didier attire également l'attention sur la situation des personnes seules et de celles qui ne peuvent pas compter sur leur famille pour les aider financièrement. « Je comprends bien que l'argent des impôts est nécessaire pour faire tourner le monde, mais il faudrait faire payer davantage les entreprises qui ont bien gagné pendant la pandémie, et non les personnes qui ont dû rester chez elles en se retrouvant au chômage sans le vouloir. » Ce qui lui reste en travers de la gorge aussi, c'est de voir combien gagnent les responsables politiques qui prennent les mesures financières liées aux mesures corona. « Décider de faire repayer des impôts aux gens qui ont touché du chômage corona, c'est facile pour un ministre qui gagne 10 000 euros par mois. Désormais, je demanderai à chaque politicien que je croiserai dans la rue en période électorale ce qu'il a fait pour les chômeurs corona. »

Tom (41 ans), ambulancier

« Au début de la crise du coronavirus, des gens sont passés d’invisibles à héros en l'espace de quelques mois », constate Tom. Pourtant, lorsqu'il regarde son avertissement-extrait de rôle, il se sent traité comme un moins-que-rien par le gouvernement. Lui et plusieurs de ses collègues ont passé neuf semaines en service temporaire corona l'année dernière. En effet, le transport de patients non urgents a fortement diminué lors du premier confinement. « Du jour au lendemain, nous avons eu beaucoup moins de travail car les hôpitaux avaient suspendu certains traitements. »

Pendant cette période, Tom a dû se débrouiller avec 400 à 500 euros de moins par mois. En plus de cela, il n'a plus non plus reçu de chèques repas. Son épouse s'est elle aussi retrouvée en chômage corona pendant plusieurs semaines. Résultat : ils retoucheront cette année 500 euros de moins des impôts. « En soi, l'impact financier n'est pas si énorme. Mais quand même, retoucher 500 euros de moins, cela revient à payer 500 euros de plus, non ? »

Ce qui le dérange le plus, c'est le manque de considération du gouvernement pour les soins de santé et pour sa profession. « Avant la crise du coronavirus, on faisait tout le temps des économies sur les soins de santé. En plus de cela, en tant qu'ambulancier, je n'ai pas droit à la prime corona pour le personnel soignant car, paraît-il, je ne suis pas un professionnel de la santé. Mais nous étions également en première ligne. On transportait des malades du covid, des personnes dont on savait qu'elles avaient déjà été testées positives. Alors, oui, nous avons obtenu la protection nécessaire mais, dans mon portefeuille, je ne sens pas de reconnaissance vis-à-vis de notre métier à risque. »

Sur le plan psychologique, le travail de Tom en temps de coronavirus n’est pas simple non plus. « Plusieurs de nos patients réguliers sont morts du coronavirus. Il s'agissait généralement de personnes âgées ou de patients sous dialyse. Ils font partie des groupes les plus vulnérables. Le fait de devoir leur dire adieu nous a mis vraiment face à la réalité. »

Une facture fiscale pour le chômage corona, c'est vraiment tout sauf une manière pour le gouvernement de remercier ce héros de la santé.

Jérôme, monteur dans le secteur métallurgique

Jérôme travaille chez Techspace Aero (devenu Safran Aero Boosters) depuis le 1 août 2005, soit 16 ans. Il est aussi papa de deux petites filles.

Avec la crise, lui et ses collègues ont été mis en arrêt complet pendant trois mois. Par la suite, la reprise ne s’est faite qu’à temps partiel. Aujourd’hui encore, Jérôme ne se rend à l’usine qu’une semaine sur deux. Il perd donc une partie de son salaire qui est compensé par le chômage corona.

Il fait l’état des lieux des conséquences de cette crise qui, selon lui, n’en finit pas : « Au motif de rester compétitive, la direction a pris certaines mesures. Elle a réduit de moitié la prime annuelle qu’on reçoit généralement en juin et, récemment, nous avons appris que nous perdions aussi six jours de congés légaux. » Malgré la situation difficile, Jérôme est content d’avoir encore son travail. « Prés de 60 travailleurs en CDD ont été remerciés. Cela a des répercussions sur la charge de production dans les équipes. Certes, Techspace Aero est sous les chiffres de 2019 mais l’usine fait encore de gros bénéfices, je vous l’assure. »

La plus mauvaise des surprises, il l’a reçue ce mois-ci. « J’apprends que je dois reverser aux contributions 2 273 euros. Je n’avais clairement pas prévu ça. L’année passée, j’ai retouché 800 euros. On voit la différence. Il y aura des dépenses pour la famille que je ne pourrais pas faire. D’habitude, je paie mon mazout pour le chauffage ou mon assurance voiture avec cet argent. »

Sur la proposition du ministre des Finances d’avoir recours à des plans d’apurement pour un remboursement échelonnés de la dette, il réagit : « Je n’appelle pas ça une solution dans le sens où on doit quand même payer cette somme alors qu’on n’avait rien demandé. On est puni deux fois. »

Jérôme veut des vraies solutions. « C’est important de le dire, on n’est pas responsable de cette crise. Avec le chômage covid, oui, on reçoit une aide mais on doit la repayer. Et pas qu’un peu ! J’attends des politiques qu’ils adoucissent ce qu’on doit repayer en fin d’année. Comme je l’ai dit, on n’y peut rien donc pourquoi nous faire payer cette crise ? C’est pas logique. »

« Car ce n’est pas le tout de rembourser les contributions, on doit encore faire nos courses et se soigner. Je constate que je paie près de 30 % en plus sur le total de mon caddy lors des grosses courses. Tout est plus cher. Le pain comme le papier toilette. J’ai dû aller à la pharmacie hier pour ma petite de neuf mois, j’en ai eu pour 70 euros. Vous vous rendez compte ? Je me demande comment les autres familles se soignent… » Il conclut « Vous comprenez qu’avec tout ça, on n’arrive plus à mettre de côté pour les imprévus. Et 2 273 euros de facture fiscale, c’est ce que j’appelle un sacré imprévu. »