« Après la pluie » : la vie après les inondations

Le film commence 1 an après les inondations de juillet 2021. Un témoignage touchant d’une catastrophe et de ses conséquences à long terme pour des milliers de gens, mais aussi un bilan nécessaire pour reconstruire l’avenir.

Des torrents d’eau envahissent l’écran, ravageant tout sur leur passage. Puis arrivent les ruines. Un paysage dévasté montre des fragments de vies brisées. Un homme passe avec son chien et ramasse des débris pour en faire des œuvres d’art. On croirait assister au début d’un film au scénario post-apocalyptique.

Ces images sont pourtant bien réelles et toutes proches, puisque ce sont celles de la vallée de la Vesdre après les inondations. L’« événement », comme l’appellent certains sinistrés, a fait 41 victimes immédiates, sans compter toutes celles qui ont suivi.

Et maintenant ?

À la vue des ruines, le temps semble suspendu. La situation a-t-elle vraiment évolué depuis 2021 ? Tout au long du film, les témoignages se succèdent. Une famille se retrouve bloquée avec une maison en ruine et des travaux inachevés. Après avoir tout perdu, ils ont subi l’arnaque d’un entrepreneur, parti avec l’argent des assurances avant de faire faillite.

« J’en ai marre des travaux », soupire une sinistrée qui a finalement accepté de céder sa maison, qu’elle avait mis une vie de travail à pouvoir acheter. Une habitante de Pepinster, ville voisine de Verviers, apprend sur le tard que la maison dans laquelle elle pensait pouvoir retourner est finalement comprise dans les plans de démolition de la commune. « J’ai l’impression d’avoir été oubliée », déclare une dame qui, à 73 ans, est obligée de vivre au 2e étage de sa maison pendant que les travaux n’avancent pas. Ils sont nombreux encore dans l’attente de réponses des autorités, de perspectives d’avenir, qui ne viennent pas.

Une hydrologue explique que les causes sont en amont. Une mauvaise gestion du territoire dans les hauteurs et des monocultures ont rendu les sols étanches : l’eau n’est plus retenue naturellement et ruisselle jusqu’aux rivières. Cela rend la région particulièrement sensible aux conséquences du dérèglement climatique, qui risquent de s’intensifier dans les années à venir. Mais l’amont, c’est aussi l’inaction politique. Les bilans des précédentes catastrophes n’ont pas été tirés, les recommandations des experts ne sont pas suivies. Les conséquences, ce sont les riverains qui les paient. Et leur détresse semble ne pas être entendue.

Toujours pas dʼaction politique

Du côté politique, on feint l’empathie et on s’auto-congratule. Une cérémonie d’hommage aux sinistrés rassemble ministres et famille royale à Pepinster. Parmi les personnes venues y assister, la colère se fait sentir. « Ils ont volé la cérémonie aux sinistrés ! » dénonce une dame dans la foule. En effet, les sinistrés regardent de loin, derrière des barrières Nadar, l’hommage qui est censé leur être destiné.

En attendant, une prise de responsabilités politique se fait attendre. Plusieurs études et plans de restauration de la vallée – pour permettre à la région de mieux encaisser de prochaines crues et ainsi éviter de nouvelles catastrophes – sont sorties. Mais la mise en application est sans cesse retardée. « Ils nous ont dit pas avant 2024, en tout cas, déplore une chercheuse. Donc pas avant les élections… Encore du temps perdu. » Du temps perdu pour le réaménagement nécessaire du territoire, mais aussi pour les familles qui restent dans l’incertitude concernant leur maison.

Comment survivre à lʼabandon de lʼÉtat ?

Le parallèle avec les fictions post-apocalyptiques ne s’arrête pas aux images. Dans ce type de récits, les États se sont effondrés et les héros doivent affronter seuls un univers hostile. Comment survit-on quand l’État nous abandonne ? Cette question, Après la pluie la pose aussi car ce film raconte l’histoire d’une absence, l’absence d’une prise de responsabilité des pouvoirs publics et de réponse à la détresse de milliers de sinistrés. Dans cette absence, la débrouille règne. Et les gens n’ont pas attendu pour agir.

Maria Alonso, sinistrée transformée en guide, emmène la caméra et les spectateurs dans ses nombreuses actions pour défendre les sinistrés. Après avoir elle-même tout perdu, y compris sa voiture qui lui permettait de se rendre au travail, elle s’est retroussé les manches et a entrepris d’aider tous ceux qui croisaient sa route. On la retrouve un an plus tard, toujours à aider les sinistrés dans leurs démarches, à gérer avec eux leurs dossiers pour les assurances, à leur rendre visite, les écouter… Elle est également présente à toutes les assemblées et réunions sur le réaménagement de la vallée pour porter leur voix. Et c’est aussi cette voix qu’elle porte dans ce documentaire.

Une alternative à lʼimmobilisme est possible

Et des Maria, il y en a plein. Dès le 15 juillet 2021 et pendant des mois, des milliers de bénévoles de tout le pays sont venus aider les sinistrés. Déblayer les maisons, aider à nettoyer, écouter et apporter du soutien moral, distribuer de la soupe… Même le nettoyage des rivières a été pris en charge par les citoyens, pour les citoyens.

« Ce que j’ai trouvé extraordinaire, c’est la solidarité entre tous les voisins, des gens à qui on n’avait jamais parlé, raconte une sinistrée dans le film. C’est des choses qui ne s’oublient pas. » Oui, depuis 2021, après la pluie, les choses évoluent. Grâce au travail et à la solidarité des bénévoles et des sinistrés qui, entre eux – mais aussi avec des associations de la société civile, avec des chercheurs, avec des relais politiques – continuent de se battre sans lâcher l’affaire.

Une alternative à l’immobilisme des différents gouvernements est possible. Après la pluie nous montre que tous les gens qui sont aux premières lignes des conséquences des choix politiques passés ont aussi, ensemble, le pouvoir de faire bouger les choses.