Après les applaudissements, le respect | Les syndicats espagnols à l’offensive : « C’est maintenant ou jamais ! »

Deux syndicats, trois luttes. En Espagne, les travailleurs et leurs représentants syndicaux se mobilisent pour augmenter le salaire minimum (un des plus bas d’Europe), contre une loi qui favorise le travail précaire, et pour des pensions dignes. Ils ne lâcheront rien tant qu’il n’auront pas obtenu gain de cause.

« Vous trouvez normal de travailler pour moins de 1 000 euros par mois ?, s’insurge Elena Blasco, la Secrétaire nationale « Femmes et Égalité » de la Confédération syndicale des Commissions ouvrières (en espagnol : Confederación Sindical de Comisiones Obreras, CCOO). Bien sûr que non. C’est pour cela que nous ne renonçons pas à faire augmenter le salaire minimum. Aujourd’hui, deux millions de travailleurs vivent avec moins de 1 000 euros de salaire par mois. C’est inacceptable ! Et la plupart d’entre eux ne bénéficie pas de convention collective de travail. Les travailleurs pauvres sont souvent ceux des secteurs essentiels, ceux qui ont tant donné durant la crise du coronavirus. C’est pour cela que nous exigeons un salaire minimum égal à 60% du salaire moyen, ce qui, concrètement, équivaut à un salaire de 1 100 euros par mois. Aujourd’hui, 19 % des femmes et 8 % des hommes gagnent moins que ça. »

En 2018, le salaire minimum espagnol n’était que de 730 euros par mois. Grâce à la pression des syndicats et des forces de gauche, et dans un contexte de longue crise politique, les Espagnols ont arraché, début 2019, une augmentation historique du salaire minimum de 23 %. Un chiffre remarquable, mais qui montre aussi l’immense besoin de relever un des salaires minimums les plus bas d’Europe.

Dans la foulée, le gouvernement espagnol de centre gauche, formé par une coalition composée du Parti Socialiste et d’Unidas Podemos (gauche radicale), prenait forme début 2020. Il poursuivait sur cette lancée en fixant une trajectoire d’augmentation du salaire minimum tout au long de la législature. De 900 euros en 2019, il est passé à 950 euros en 2020.

Il aurait dû poursuivre sa progression en 2021. Mais, aujourd’hui, sous prétexte de la crise du coronavirus, le gouvernement oublie ses promesses électorales et décide de geler le salaire minimum pour 2021 à 950 euros. Une pilule que les travailleurs et les syndicats refusent d’avaler.

Dès lors, tous les 11 de chaque mois, les deux grands syndicats Comisiones Obreras et Unión General de Trabajadores (UGT, Union générale des travailleurs) se mobilisent, avec pour mot d’ordre : « C’est maintenant ou jamais ! » Pour exiger l’augmentation de ce salaire minimum, bien sûr, mais aussi l’abrogation de la loi du travail de 2013 (celle qui a généralisé les contrats précaires et mal payés), et l’augmentation des pensions.

« Il n'y a aucune raison économique de ne pas augmenter le salaire minimum, déclare Pepe Alvarez, Secrétaire général de l’UGT.  Les secteurs qui profiteraient le plus d’une telle augmentation sont principalement ceux de l’agriculture, dont l'activité a augmenté de 6 % en 2020 ! Les agents de sécurité travaillant pour l'administration, ainsi que les femmes travaillant dans l'aide à domicile ou les maisons de repos. » En d’autres mots : les travailleurs et travailleuses qui ont été en première ligne tout au long de la crise.

« La loi du travail de 2013, adoptée quand le Parti Populaire (de droite) était au pouvoir, est bonne à jeter. » C’est ce que n’ont de cesse de répéter les syndicats. Il faut abroger les règles qui favorisent la flexibilité et les contrats précaires des travailleurs et mettre de nouvelles règles en place. Des règles qui permettent de créer des « emplois décents et dignes avec des droits ».

Enfin, tant la CCOO que l'UGT demandent l'abrogation de la réforme des pensions de 2013 afin de réinstaurer leur indexation automatique. « La Sécurité sociale de notre pays n'a pas un problème de dépenses, elle a un problème de recettes, a ainsi déclaré Pepe Alvarez. L’Espagne consacre moins de 10 % de son PIB aux pensions, alors que d’autres pays européens y consacrent jusqu’à 15 %. De plus, si nous augmentons le salaire minimum, nous augmenterons automatiquement le financement de notre sécurité sociale. »

Les syndicats espagnols ne lâchent pas la pression dans ces trois luttes essentielles, car ils savent qu’ils peuvent gagner. Ce jeudi 11 mars, ce ne sont pas moins de 50 rassemblements qui ont eu lieu dans toute l'Espagne afin de poursuivre la campagne de mobilisation. Et ils continueront à le faire jusqu’à obtenir la victoire.