Avocat haut en couleur… et communiste. Michel Graindorge nous a quittés ce dimanche

L’avocat Michel Graindorge est décédé ce dimanche 19 avril 2015 à l’âge de 75 ans. Maria McGavigan, militante du PTB, revient sur la vie de ce militant acharné des droits démocratiques, communiste, devenu membre du PTB en 2008.    

Nos chemins se sont croisés pendant 40 ans. Je l’ai vu pour la première fois en 1975, lors d’un débat à l’ULB auquel j’ai participé et dont je ne me souviens de rien, sauf de ma propre performance lamentable et de l’intervention brillante de Michel. Un peu plus tard, une interview à la RTBF où il a tenu des propos incendiaires sur les prisons et leur inutilité – son propre père avait été gardien de prison à Verviers – m’a électrifiée. Mais c’est surtout son arrestation en 1979, accusé d’avoir aidé son client François Besse, un ancien lieutenant de Jacques Mesrine, à s’évader du Palais de Justice, qui l’a rendu célèbre et fait de lui une icône de la gauche pour des gens de ma génération. Dès l’annonce de la nouvelle, des centaines de personnes se sont rassemblées spontanément devant la prison de St Gilles pour réclamer sa libération. Très vite, un mouvement s’est mis sur pied, culminant en une grande manifestation pour sa libération, mais aussi pour la défense des droits démocratiques et contre la gendarmerie. Après quatre mois de détention préventive, Michel fut acquitté, d’abord en correctionnelle, puis en appel. Sa réputation d’enfant terrible du barreau de Bruxelles était faite.

À l’âge de 19 ans, Michel avait rejoint le Parti communiste et était actif dans les Jeunesses communistes à l’ULB. Lors de l’exclusion du parti de Jacques Grippa en 1963, il a suivi ce dernier et a milité quelques années dans le nouveau parti fondé par Grippa. Les scissions et le sectarisme qui ont marqué ce parti ont cependant eu raison de l’engagement de Michel, qui est resté de longues années inorganisé, tout en restant fidèle à la défense des plus faibles et des droits démocratiques. C’est ainsi, notamment, qu’il a défendu Michel Stree, ce jeune de Vielsalm qui a pris un groupe de jeunes en otage en 1980 et les a amenés dans un bus sur le parking de la RTBF à Bruxelles dans l’espoir de pouvoir dénoncer à la radio la pauvreté qu’il voyait autour de lui. Grâce à la plaidoirie de Michel Graindorge, qui a mis en avant l’idéalisme du jeune homme, Stree a été acquitté. Plus tard, Michel a défendu les familles des victimes des tueries du Brabant¹ et celles des paras tués au Rwanda en 1994. Les lecteurs de Solidaire se souviendront de lui surtout comme un des avocats qui ont défendu Roberto D’Orazio et douze autres délégués des Forges de Clabecq, poursuivis pour des actions qui ont eu lieu en 1997 pendant la longue lutte menée par les travailleurs pour garder les Forges ouvertes. Le procès ne s’est terminé qu’en 2002, par un non-lieu pour neuf des accusés et une suspension du prononcé pour les quatre autres, une victoire pour les travailleurs et une condamnation de la répression exercée contre eux pendant l’occupation.

Il est reparti, tout grand avocat qu’il était, avec un paquet de tracts sous le bras pour distribuer dans son quartier.

Pendant toutes ces années, s’il y a une chose que Michel ne manquait jamais, c’était la fête du 1er mai du PTB. En 2008, il a adhéré au parti « malgré quelques divergences que j’ai avec vous », m’a-t-il avoué. Des divergences qui ne l’ont pas empêché de soutenir la campagne électorale du PTB en 2010. Il a assisté à une réunion de préparation d’où il est reparti, tout grand avocat qu’il était, avec un paquet de tracts sous le bras pour distribuer dans son quartier. La même année, il a publié une carte blanche dans La Libre Belgique, intitulé, « Karl Marx, reviens ! », où il invoquait notamment la lutte à Carrefour et la fermeture d’Opel : « Alors que les êtres humains sont doués de raison et qu’ils ont de plus en plus la possibilité et la capacité de maîtriser toute une série de comportements, on constate que sur le plan économique, c’est la terrible loi du marché, du plus fort qui écrase le plus faible, d’une dictature insidieuse où quelques centaines de personnes imposent leur loi à la toute grande majorité de la population. À l’heure des grandes victoires en médecine ou dans la course de l’espace, à l’heure des découvertes technologiques les plus pointues, on en est réduits à subir les lois du marché comme s’il n’y avait pas d’autre solution². »

Il décide de parrainer la taxe des millionnaires et donne une interview à Solidaire sur le nécessaire retour à Marx³.

En 2012, il accompagne les membres du PTB de Bruxelles qui ont participé à la grande manifestation contre la fermeture de Ford Genk. Cela devait être un de ses derniers actes militants. Depuis lors, sa santé n’a cessé de se dégrader et, à partir du printemps 2014 il a été hospitalisé dans différents établissements bruxellois. Malgré la maladie, il continuait à suivre les activités du parti et a fait campagne parmi ses amis pour le PTB-GO de son lit d’hôpital. Deux jours avant sa mort, il a demandé d’avoir un drapeau du parti, qu’il a fait hisser fièrement à un mur de sa chambre.

Nos condoléances attristées vont à sa famille et à tous ses amis.

^{Deux jours avant sa mort, il a demandé d’avoir un drapeau du PTB, qu’il a fait hisser fièrement à un mur de sa chambre. (Photo: Catherine Graindorge)}

1 Tueries du Brabant : Une série d’attaques sanglantes, principalement de supermarchés, qui ont eu lieu entre 1982 et 1985 et qui ont fait 29 morts. Ces crimes n’ont jamais été élucidés.

2 La Libre Belgique, 13 mars 2010

3 http://archive.ptb.be/nieuws/artikel/article/interview-michel-graindorge-avocat-appelle-au-retour-a-marx.html