Bras de fer entre GSK et ses travailleurs sur les primes : 1-0 pour les travailleurs à la mi-temps

Début juin, la direction du groupe GSK a annoncé qu’elle allait harmoniser les différents systèmes de primes qu’elle octroie à ses travailleurs en Belgique. « Le but était de réduire les primes des ouvriers et employés », déclarent les syndicats, qui sont passés à l’offensive. Après 10 jours de lutte, la direction met un premier genou à terre, et un accord est sur la table pour maintenir le système antérieur.

Chaque année, employés et ouvriers de GSK reçoivent une prime dans le cadre de la Convention collective de travail (CCT) 90. Celle-ci est négociée au sein de chaque entreprise pour l’octroi d’une prime en fonction de plusieurs critères clairs.

La CCT 90 : des règles claires qui ne plaisent pas à GSK

C’est l’un des intérêts de la CCT 90 : que les primes ne soient pas octroyées en fonction du bon vouloir du patron. Mais selon des critères objectifs, clairs, définis et négociés avec les organisations syndicales. Si les critères sont remplis, les travailleurs reçoivent collectivement la prime.

Le géant pharmaceutique voulait mettre un terme à l’application de la CCT 90 et mettre sur pied une nouvelle réglementation pour les primes. « GSK voulait pouvoir distribuer des primes à la tête du client, comme si c’était des cadeaux, explique Imdat Gunes, délégué principal ouvrier FGTB. Évidemment, leur but était de réduire le montant total des primes. »

C’est un peu comme cela que fonctionne le système de primes pour les cadres. Les critères sont flous car ils font partie d’un volet d’informations classées confidentielles. L’intérêt de ce système pour l’employeur est que les cadres ne peuvent pas contrôler si l’entreprise distribue honnêtement ses primes ou connaître les raisons d’une éventuelle diminution de la prime. Il peut se contenter de dire : « Les résultats attendus ne sont pas rencontrés. »

« Si l’employeur veut l’équité entre les primes des cadres, des ouvriers et des employés, qu’il donne accès à la CCT 90 aux petits cadres pour leur permettre d’avoir des primes régulées, contrôlables, claires », avance le délégué.

Harmoniser le système de ses primes… vers le bas

Le but affiché par GSK était d’harmoniser le système des primes avec celui des cadres. Un système qui implique un gage de vente.

Prenons un exemple. Imaginons qu’aujourd’hui, la prime pour les employés et ouvriers est accordée à condition que les travailleurs aient produit 100 millions de doses de tel vaccin. Pour les cadres, le critère est non seulement la production de ces 100 millions de doses, mais aussi qu’elles soient toutes vendues. Sinon, pas de prime. La direction entendait donc transposer ce système aux ouvriers et employés, sous prétexte d’une « harmonisation ».

« La vente, ce n’est pas du ressort des ouvriers, affirme Franco Galione, délégué principal ouvrier CSC. Ce n’est pas à nous de payer les erreurs marketing. C’était un moyen pour GSK de diminuer, demain, l’ensemble de nos primes. »

Cette année, malgré les bons résultats financiers de l’entreprise, les cadres ont vu leurs primes fortement réduites (de presque 1000 euros, d’après les organisations syndicales). Les raisons invoquées par la direction ? 2020 a été une « mauvaise année ». Vraiment ? D’après les comptes de l’entreprise, le groupe a réalisé 1,7 milliard d’euro de profits sur cette année de pandémie. Et ce n’est pas tout : sur 1,7 milliard, 1,6 milliard a été versé aux actionnaires. « En résumé, chaque ouvrier de GSK qui a travaillé dans des conditions difficiles et risquées pendant l’année du covid a donné aux actionnaires 527 000 € », explique le délégué principal CSC.

Après 10 jours de lutte, GSK rétropédale sous la pression

Immédiatement après l’annonce de la direction, le 7 juin, les organisations syndicales ont organisé des assemblées générales du personnel à grande échelle (tous les ouvriers et employés des trois pauses, sur les sites de Rixensart, Wavre et Gembloux). « L’une des clés pour gagner un combat syndical, c’est que les gens suivent, explique Imdat Gunes. Que les travailleurs comprennent bien pourquoi on appelle à la mobilisation, et qu’ils nous soutiennent. »

Dès le 8 juin, les travailleurs sont partis en grève. « Après les différentes assemblées, chacun est rentré chez soi, la grève a été massivement suivie », se réjouit Imdat Gunes. Ensuite, place aux actions. Tous les jours, plusieurs bâtiments de production de GSK ont été immobilisés par les organisations syndicales. Des arrêts de travail spontanés ont également eu lieu dans plusieurs bâtiments où les délégations n’étaient pas présentes. « Ce mouvement est historique chez GSK, note le délégué principal FGTB. Les gens sont en colère qu’on touche ainsi à leurs primes. D’autant qu’elles nous avaient été présentées par la direction quasiment comme du salaire, ‘garanties’. Malheureusement, ce n’était pas le cas, et on a dû se battre pour les garder. »

Du vendredi 11 au samedi 12 juin, pendant 24 heures, une cinquantaine de délégués CSC, FGTB et CGSLB ont bloqué le centre de distribution à Gembloux (point névralgique d’où partent toutes les commandes). La direction a dépêché des hauts cadres pour tenter de convaincre les travailleurs de reprendre le travail immédiatement. Sans succès.

GSK met un genou à terre

Ce vendredi, après 10 jours de lutte, la direction  de la multinationale britannique a contacté les organisations syndicales en vue de finalement rétablir l’ancien système, la CCT 90.  « La direction ne voulait rien entendre, et refusait de dialoguer au départ, explique Imdat Gunes Aujourd’hui, elle nous appelle à négocier, et accepte de réintroduire la CCT 90. Cela montre qu’ils ne s’attendaient pas à une telle résistance. La lutte paie. »

La prochaine rencontre aura lieu lundi matin, avec comme cadre de discussion la restauration de l’ancien système de primes. Les syndicats restent cependant attentifs : pas question de signer une CCT 90 avec des critères de primes plus stricts, plus de productivité et plus de pression pour les travailleurs. GSK a mis un genou à terre. Avant de plier définitivement ?