Campus de la Plaine (ULB) :: Les étudiants s'opposent à la destruction des espaces verts

C'était dans l'air depuis plusieurs mois. La commune d'Ixelles avait donné son accord à une multinationale pour qu'elle rase le plus grand espace vert de la commune (et qui se trouve sur un campus de l'ULB) afin de construire des logements... de luxe. Des étudiants s'opposent aux travaux commencés ce mardi 21 octobre dans la matinée. Nous reproduisons ici l'analyse de Comac, le mouvement de jeunes du PTB, actif dans la lutte depuis le début, parue le 22 avril sur leur site.

La Plaine-ULB : symbole d'une logique qui nous mène droit dans le mur

Les espaces verts du campus universitaire de la Plaine sont menacés par un projet immobilier qui ne tient pas compte des besoins sociaux des usagers, ni de la richesse écologique du site. Une logique qui nous mène droit dans le mur, sans que cela n'émeuve ni la majorité communale ni la région.

1. Bref rappel du dossier de la Plaine1

En 2006, l'ULB vend ses terrains du campus de La Plaine à des promoteurs immobiliers : Immobel et Louis De Waele. La transaction est conclue pour un montant de 50 millions d'euros. L'ULB, en la personne de son vice-président2, dira que l'université, sous-financée, avait besoin de fonds.

En 2012, un premier grand projet de construction est annoncé mais suite à une mobilisation commune d'étudiants, de riverains et d'associations écologistes, il est finalement annulé. Un « nouveau » (sic) projet est redéposé seulement 1 année plus tard mais en adoptant la stratégie du saucissonnage3 : seule la première phase du projet est présentée à la commune, sans expliciter l'ensemble bien plus vaste du projet. Cette première phase comprend la construction de logements haut standing.

Un projet qui détruit l'environnement

Ce projet va détruire un site qui représente pourtant un rôle important pour l’écologie. D'une part, le site est un refuge pour une importante biodiversité, dont des espèces menacées. D'autre part, il s'agit du plus grand espace vert d'Ixelles qui assume la fonction de poumon vert, crucial pour maintenir une relative qualité de l'air.

Un projet qui va à l'encontre des besoins sociaux du quartier

Ce projet immobilier ne prend en effet nullement en compte les usagers du site et les besoins sociaux du quartier. Il manque de logements abordables à Ixelles, comme partout à Bruxelles, et également de kots étudiants mais ce sont pourtant des logements de luxe qui vont y être construit sur...un campus universitaire.

Non seulement ces logements de luxe seront inaccessibles aux étudiants et à la grande majorité des habitants de la commune mais l'installation de ces logements de luxe risque également de perturber la vie estudiantine du campus.

Un projet qui va aggraver les problèmes de mobilité

Le site de la Plaine est situé près du carrefour Delta, l'une des grandes portes d'entrée sur Bruxelles. La construction de logements de luxe va aggraver la mobilité dans la zone. Mais ce problème est complètement nié dans les rapports d'incidences et par la majorité communale.

La Commune et la Région ont pourtant leur mot à dire

Si Immobel et Louis De Waele sont les propriétaires légaux de ces espaces, leur propriété privée ne leur permet pas d’en faire ce qu’ils veulent ! Ils doivent respecter le Plan Régional d’Affectation du Sol (PRAS). C’est via ce dernier que la région fixe le type d’utilisation des parcelles. Or, celle de la Plaine est considérée comme une « zone d’intérêt collectif ». La majorité régionale bruxelloise (PS-CDH-Ecolo) et la majorité communale à Ixelles (PS-MR) pourraient donc refuser le projet et exiger une sérieuse remise en question du projet initial. Il n'en est rien, malgré les interpellations et les actions des étudiants du Comité "Sauvez la Plaine".

2. Une logique qui nous mène droit dans le mur

Ce qui se passe actuellement sur le campus universitaire de la Plaine est symptomatique des politiques menées par les partis traditionnels depuis plusieurs années. Sous-financement et privatisation de l'enseignement supérieur, une politique des logements laissée aux mains du marché et une politique environnementale surtout faite de promesses non tenues.

Le sous-financement public de l'enseignement

La problématique de la Plaine n'existerait même pas si l'ULB n'avait pas vendu ce terrain pour combler le manque de financement public de l'enseignement supérieur.

Le budget de l’enseignement fonctionne sous forme d’enveloppe fermée. Il n’a donc pas été augmenté et ne fait même plus l’objet d’une discussion au Parlement depuis longtemps, malgré la croissance du PIB et l’augmentation du nombre d’étudiants. Dans l'enseignement supérieur, en 40 ans, le financement par étudiant a été divisé par 2.4

Le sous-financement plonge la plupart des institutions dans une situation précaire. On les encourage à chercher des solutions sur le marché privé, notamment en matière de kots étudiants. Or, selon l'ULB elle-même, « le recours au secteur privé pour la construction [...] de logements étudiants menace la démocratisation des loyers et le budget social étudiant des universités [...] ». Plus généralement, « [L'ULB] dénonce l'augmentation des coûts indirects des études à travers la reprise par les entreprises privées de la gestion et de la fournitures de services qui étaient auparavant publics »5.

L'exemple de La Plaine prouve par l'absurde que le privé n'a pas vocation à s'occuper de l'enseignement, en construisant des logements de luxe sur un campus car plus rentables.

Les logements laissés au marché

La politique du gouvernement bruxellois est de laisser la problématique du logement dans les mains du marché. Or, le marché est uniquement attiré par le profit même au détriment des habitants et des espaces verts, comme ici à la Plaine.

Depuis les années 2000, les loyers ont en effet augmenté de 45 % à Bruxelles. Résultat : ce sont aujourd'hui 200 000 bruxellois qui ne peuvent pas se loger de manière décente et abordable.6

Ce n'est pas le fruit du hasard mais bien d'une démission politique en la matière. Alors que 44000 personnes sont sur une liste d'attente pour avoir accès à un logement social et que 50 % de la population bruxelloise entre dans les conditions de revenus pour y avoir droit, le gouvernement bruxellois en a construit 685 ces 14 dernières années. La construction de logements sociaux permettraient pourtant non seulement à de nombreuses familles d'avoir un logement à un loyer abordable mais également de faire pression à la baisse sur l'ensemble des loyers.

Au vu de la croissance démographique attendue de la population bruxelloise et de la passivité politique du gouvernement bruxellois en la matière, la situation risque de s'empirer très fortement.

Ce qui se passe aujourd'hui sur le campus de la Plaine démontre l'absurdité d'une telle politique : au lieu de construire des logements abordables pour les habitants d'Ixelles ou les étudiants, les autorités communales et régionales laissent Immobel construire des logements de luxe.

Les espaces verts et la mobilité : des promesses non tenues

Le plus grand espace vert de la commune d'Ixelles risque bientôt d'être détruit par Immobel et De Waele. C'est un non sens au niveau écologique, d'autant que des logements de luxe vont encore augmenter le nombre de voitures et aggraver les problèmes de mobilité et de pollution à Bruxelles.

Lors de son entrée en activité, le gouvernement bruxellois PS-CDH-Ecolo s'était pourtant engagé à promouvoir les modes de déplacement doux, de promouvoir et protéger les espaces verts ainsi que lutter contre la perte de biodiversité.7

Ce plan louable et ambitieux souffrait néanmoins d'un défaut de conception : la question du budget. Comme le dénonçait déjà en 2009 l'association Inter Environnement Bruxelles (IEB)8, le financement de ces mesures n'était pas réellement pensé.

En terme de mobilité, Bruxelles est la région la plus embouteillée d'Europe.9 Cela pose non seulement problème pour les usagers de la route mais également au niveau écologique. La pollution automobile est en effet responsable de la mauvaise qualité de l'air dans la capitale et présente des risques pour la santé. L'air de notre région dépasse très régulièrement les normes de pollution autorisées de la Commission européenne.

Le développement des transports publics et la diminution de leurs prix permettraient d'encourager la mobilité douce. Seulement, malgré les promesses du gouvernement bruxellois de diminuer le prix des transports publics, ils ont augmenté de 10 % en 3 ans. De plus, que ce soit à la STIB et à la SNCB, des coupes budgétaires ont été faites diminuant la qualité du service. Enfin, même pour le vélo, payer devient la règle avec des communes qui ont installés des boxes payants pour les ranger.

En ce qui concerne les espaces verts, « chaque Bruxellois doit pouvoir bénéficier d'un espace vert à proximité de chez lui » pouvait-on lire dans la déclaration du gouvernement bruxellois en 2009.

C'est manifestement le contraire qui est en train de se dérouler à Ixelles avec la destruction du plus grand espace vert de la commune.

3. Changeons de logique pour un Bxl socia(a)l

Comac, le mouvement de jeunes du PTB, soutient le comité « Sauvons la Plaine » pour empêcher toute construction sur les espaces verts du campus de la Plaine. Mais, comme expliqué plus haut, il s'agit de la conséquence d'une politique menée également à d'autres niveaux de pouvoir face à laquelle nous voulons également proposer une alternative.

Aucune construction sur les espaces verts du campus de la Plaine

Les espaces verts du campus de la Plaine constituent une richesse et une nécessité écologique pour Bruxelles. Le MR, le PS et Ecolo se prononcent tous à l'approche des élections pour la préservation des espaces verts mais laissent pourtant ceux de la Plaine se faire détruire.

Si des logements abordables et des kots étudiants sont nécessaires, il existe de nombreux espaces en friche à Bruxelles sur lesquels il serait possible de les construire.

Comac, le mouvement de jeunes du PTB, se prononce résolument contre la destruction des espaces verts du campus de la Plaine.

Une autre politique est possible

Avec Comac (mouvement de jeunes du PTB), nous défendons un avenir résolument social. La route vers plus de marché que nous empruntons depuis 30 ans nous mène droit dans le mur. La Plaine en est le parfait exemple. Nous voulons bifurquer vraiment à gauche.

Un refinancement de l'enseignement

Le refinancement de l'enseignement à 7 % du PIB doit être une priorité du gouvernement. Nous nous opposons à l'intrusion du privé et de sa logique de rentabilité dans l'enseignement. Seul un enseignement public peut contribuer à un développement équilibré et général, qui prépare les jeunes à participer à la société. Si les entreprises et les grosses fortunes veulent tellement participer à l’enseignement (que ce soit directement dans les cours ou en construisant des kots), qu’elles paient plutôt leurs impôts. A brève échéance, une taxe des millionnaires pourrait rapporter 8 milliards d'euros dont 1,6 irait à l'enseignement.

La construction de logements sociaux

La problématique du logement ne peut pas être laissée dans les mains du marché. Le prix des logements et de la location atteignent des sommets. Au contraire de la politique néolibérale actuelle, le PTB est d'avis que le problème du logement dans notre région ne sera pas résolu sans une intervention sérieuse des différents niveaux de pouvoirs publics. Concrètement, nous proposons la construction de 50 000 logements sociaux de qualité dans les 4 années à venir. A moyen terme, il faudra construire encore plus de logements sociaux pour atteindre 30 % des logements, de manière à faire pression à la baisse sur l'ensemble des loyers. A Amsterdam, la ville compte 50 % de logements sociaux rentables10.

Une politique verte ambitieuse

La situation écologique de Bruxelles est dramatique et exige un plan d'urgence écologique public. En premier lieu, le PTB veut investir massivement dans les alternatives collectives à la voiture. Celles-ci doivent être attractives, tant au niveau de la qualité que du prix. Cela signifie de développer le réseau de la STIB, augmenter les fréquences et les connexions et diminuer les prix.Il est également important de développer les modes de locomotion douce : la marche et le vélo. De cette manière, nous diminuerons les embouteillages à Bruxelles ainsi que la pollution automobile.

Ensuite, nous voulons également augmenter le nombre d'espaces verts accessibles au public en ouvrant par exemple la plus grande partie du parc royal de Laeken.

Alicia Schmit est vice-présidente de Comac-ULB

(Lire l'article original ici) 

1. Pour plus d'informations, consultez le site du Comité « Sauvons la Plaine » :http://laplaine.jimdo.com/ • 2. Martin Casier, http://www.rtl.be/rtltvi/video/470300.aspx • 3. Cette pratique, illégale, consiste à présenter un vaste projet en différentes phases, de manière à éviter les études indépendantes obligatoires pour tout projet d'envergure • 4. http://www.fef.be/2014/03/campagne-qualite-pour-tous-et-refinancement-public-de-lenseignement-superieur/ • 5. Communiqué de presse du 13/11/2013 reprenant la motion votée par le Conseil d'administration le 12/11/2013 concernant la problématique des logements étudiants bruxellois • 6. Mémorandum associatif pour le droit au logement 2014-2019 • 7. http://www.ieb.be/IMG/pdf/accord_de_gouvernement_region_bruxelloise_2009_2014-2.pdf • 8. http://www.ieb.be/Un-programme-bruxellois • 9. Étude de la société INRIX • 10. Le loyer d'un logement social est en effet fixé en fonction de votre revenu. En construisant un nombre important de logements sociaux, ils deviennent de ce fait rentables en attirant une population payant des loyers plus élevés.