Coronavirus : quelles raisons (cyniques) poussent les Pays-Bas à retarder le confinement ?

Alors qu’en Belgique (et dans beaucoup de pays européens) les gens doivent rester confinés chez eux, les gouvernements des Pays-Bas et du Royaume-Uni n’ont pas pris ce genre de mesures – ou très tardivement et partiellement. Deux scientifiques, Xavier Desmit et Nicolas Sirtaine, proposent à Solidaire des hypothèses qui expliqueraient pourquoi ces gouvernements retardent le confinement. Parmi ces raisons : donner un avantage concurrentiel à leurs entreprises.

Pourquoi y a-t-il une pandémie ?

Le coronavirus qui cause la maladie infectieuse COVID-19 est inconnu de nos systèmes d'immunité (c’est-à-dire la capacité de l'organisme à se défendre contre des bactéries et des virus). Avant qu’une immunité naturelle se développe, il est fort probable qu’une grande partie de la population humaine sera infectée cette année ou plus tard¹.

Pourquoi un confinement si tout le monde doit contracter le virus tôt ou tard ?

En l'absence de confinement, la courbe de propagation-infection est haute et pointue. Elle dépasse de très loin la capacité des structures de soin à accueillir tous les cas lourds en si peu de temps. C’est-à-dire qu’en l'absence de confinement, le virus se propage vite, fait beaucoup de morts et puis s'éteint. Dans ce scénario, beaucoup de gens qui auraient pu être sauvés ne le sont pas parce que les structures sont débordées. En revanche, la stratégie de confinement permet d’étaler la courbe dans le temps et donc de faire coller un peu mieux la propagation du virus avec la capacité des hôpitaux à accueillir les cas lourds. Dans ce cas, on sauve plus de vies mais on allonge la durée de la pandémie dans le temps puisqu’il faudra plus de temps pour qu’une immunité naturelle se développe. Avec le développement de l’immunité collective, le virus aura plus de mal à s’étendre et la pandémie s’arrêtera. Il subsistera toujours des poches d’infection ici et là que les hôpitaux pourront traiter.

Pourquoi le Royaume-Uni et les Pays-Bas tardent-ils à entrer en confinement ?

Il se pourrait qu’ils retardent le confinement de quelques jours en calculant le moment optimal pour favoriser leur économie le plus longtemps possible

Comme les pays voisins (France, Belgique, Italie,…) voient leur activité économique ralentir à cause du confinement, cela donne un avantage concurrentiel aux entreprises néerlandaises et britanniques². Cette stratégie offrirait à ces pays une position avantageuse, économiquement parlant, pour la période de l’après-coronavirus… mais probablement au prix de morts évitables.

Dans tous les cas, l’absence de confinement est une stratégie risquée pour les structures de soin et la population. C’est aussi une stratégie peu solidaire vis-à-vis des pays voisins qui font l’effort économique du confinement, même s’il n’est pas total. Par ailleurs, le temps gagné par le confinement (la maladie continue à se propager mais plus lentement) peut permettre de remédier aux pénuries de matériel, de développer de nouveaux traitements, dans l’espoir de produire un vaccin.

Rester confiné, c’est être solidaire du personnel hospitalier

Respecter le confinement, c’est respecter d’abord tout le personnel hospitalier qui sera exposé en première ligne, qui sera infecté, qui devra être remplacé par les deuxièmes lignes, lesquels seront infectés etc. Si la situation dégénère, il se pourrait que les hôpitaux cèdent face à la contagion par manque de personnel capable de poser les actes nécessaires. Espérons que le confinement nous préservera d’un tel scénario. Il est donc important de jouer le jeu dans la mesure du possible par solidarité pour celles et ceux qui sont au front, qui connaissent le risque et qui ont néanmoins le courage exceptionnel de prendre soin des autres. Cette solidarité doit aussi s’étendre à toutes celles et ceux qui, en travaillant dans des secteurs essentiels assurent la continuité de la vie sociale : magasins alimentaires, crèches, propreté urbaine, transports, pompiers etc.

Le Coronavirus, c’est grave ? Quels sont les symptômes ?

Dans la majorité des cas (80 %), la maladie est asymptomatique (cela veut dire que la personne infectée ne développe pas ou peu de symptômes). Elle ressemble alors à un rhume : fièvre, fatigue, toux sèche. Dans certains cas, il y a écoulement nasal, maux de gorge ou diarrhée. On en guérit sans traitement particulier³. Les personnes fragilisées peuvent développer des symptômes plus lourds. Certaines ne peuvent pas être sauvées, même dans les hôpitaux les mieux équipés (système d’immunité affaibli, grand âge, etc.). Environ 15 % des gens qui ont la maladie développent une complication lourde : ils ont du mal à respirer, c’est ce qu’on appelle l’insuffisance respiratoire. On manque de souffle. Dans ce cas, on reçoit d’abord de l’oxygène à l’hôpital et, si nécessaire, on est endormi et placé sous respiration artificielle pour une semaine. C’est ce qui explique pourquoi des respirateurs artificiels sont si importants dans la lutte contre le coronavirus.

Xavier Desmit est chercheur en écologie marine.

Nicolas Sirtaine est médecin hospitalier

1.  En Grande-Bretagne, une étude estime que 80% de la population sera infectée (testée positive). Source, The Guardian, « UK coronavirus crisis 'to last until spring 2021 and could see 7.9m hospitalised' », 15 mars 2020.

2. Au Royaume-Uni, Boris Johnson, et aux Pays-Bas, Mark Rutte. Au Royaume-Uni, des mesures de quarantaine sont néanmoins mises en place au vu du bilan catastrophique en Italie. Source, The Guardian, « New data, new policy: why UK's coronavirus strategy changed », 16 mars 2020.

3. Source, site de l’OMS.