Déclaration gouvernementale du Premier ministre Michel | L’opération de com’ ne fonctionne pas

Ce mardi 13 octobre, Charles Michel lisait sa déclaration gouvernementale au Parlement. Ce « show de bonnes nouvelles » a été contesté par le PTB : « La baisse des cotisations patronales est le contraire de “s’en prendre aux grosses fortunes”. »

Le Premier ministre Charles Michel (MR) : « Nous voulons combattre la pauvreté. » « Nous voulons consolider notre protection sociale. » « Nous voulons soutenir les plus faibles. » « Nous devons donc améliorer le rapport qualité-prix du fonctionnement de l’État. » « Nous ne voulons pas d’une médecine à deux vitesses »… Le rédacteur du discours du Premier ministre était-il d’humeur ironique ou plutôt cynique ? Dans sa déclaration gouvernementale au Parlement – ou « State of the Union » – à l’occasion de la rentrée politique, Charles Michel tente de convaincre que son gouvernement est social, écologique, humanitaire et pacifiste. Pour ensuite énoncer les mesures de sa politique qui montrent tout le contraire. Le député PTB Raoul Hedebouw : « Vous aviez pour seul but de convaincre l’opinion publique que votre politique était sociale. C’est dire à quel point vous avez conscience que la population ne vous croit guère. »

« Flexi-jobs, flexi-jobs, flexi-jobs »

« Nous avons une obsession : créer les conditions pour plus d’emploi dans notre pays. Jobs, jobs, jobs », a lancé Michel. « Flexi-jobs, flexi-jobs, flexi-jobs » a répondu en écho Marco Van Hees qui renvoie aux « McJobs » dans l’Horeca que le gouvernement a récemment décidé de créer selon le modèle des contrats à zéro heure en Grande-Bretagne. La création de jobs : c’est l’argument avancé pour abaisser les cotisations sociales que les patrons payent sur le salaire brut. Malgré toutes sortes de réductions, celles-ci s’élèvent toujours officiellement à 33 % du salaire brut. Michel les réduit maintenant structurellement à 25 %. En fait, il s’agit d’une baisse pure et simple du salaire indirect, mais « charges salariales » sonne mieux aux oreilles des patrons et du gouvernement.

Ce n’est pas la première fois cette année que Raoul Hedebouw fait de cette question un point central des débats parlementaires. « Prétendre que diminuer les “charges salariales” débouche sur plus d’emplois est le dogme le plus étouffant de ce Parlement. C’est de la tromperie. Il n’existe aucune garantie que les près de 5 milliards d’euros de réductions de charges du gouvernement Michel n’aillent pas tout simplement aux dividendes. » 

L’actualité chez Coca Cola offre à Raoul Hedebouw un argument en béton : « A Zwijnaarde (Gand), Coca-Cola Belgium supprime 122 emplois sur 434 malgré le fait que, l’an dernier, Coca-Cola Belgium n’ait payé que 7,9 % d’impôts sur ses bénéfices au lieu du taux officiel de 34 %. Un cadeau de 29 millions d’euros. Comment expliquez-vous qu’une entreprise qui empoche plein d’argent n’engage pas ? », lance Hedebouw à Hendrik Vuye, chef de groupe N-VA. « Nous devons créer les circonstances qui stimulent à entreprendre », réagit Vuye. S’ensuit un échange entre les deux, mais sans aucune réponse concrète de la part de Vuye avant que le président de la Chambre Sigfried Bracke (N-VA) ne mette fin au débat.

Van Hees s’énerve aussi du refrain sur le coût des « charges salariales ». « C’est une voie sans issue, dit-il. En France, aux Pays-Bas et en Allemagne, c’est le même discours qui est tenu. Je cite par exemple le président du MEDEF, l’organisation patronale française : “Si le coût du travail reste cher, nous devrons malheureusement embaucher dans d’autres pays.” » Les députés PTB rappellent également que, malgré les belles paroles du gouvernement sur la création d’emplois, de nombreux postes disparaissent dans le secteur public à cause de l’austérité. 

« Des erreurs dans la calculette ! » 

Au Parlement, personne d’autre ne le voit comme ça mais pour les députés du PTB, c’est évident : la baisse des cotisations patronales est le contraire de « s’en prendre aux grosses fortunes ». 

Raoul Hedebouw prend l’exemple de la plus riche famille de Belgique, la famille de Spoelberch, dont le patrimoine est évalué à 42 milliards d’euros¹ : « Avec les nouvelles mesures du gouvernement, combien va gagner ou perdre monsieur de Spoelberch – vicomte de son état, marié, sans enfant à charge ? Avec la réduction des charges sociales sur les 2 800 travailleurs d’AB InBev, il reçoit un cadeau de 4 562 353 euros. Ensuite, le maintien des intérêts notionnels et des plus-values exonérées est estimé par nos services à 569 063 574 euros. Et, oui, je vous le concède, avec l’impact de la hausse de la TVA et des accises, il perd aussi : environ 1 500 euros. On arrive donc à un cadeau total pour M. de Spoelberch de plus ou moins 573 624 427 euros sur base annuelle. Alors, quand vous me dites que vous voulez faire payer les capitalistes, il doit y avoir des erreurs dans la calculette ! » 

Marco Van Hees : « On aurait fait payer le capital par la taxe sur la spéculation ? Mais, finalement, combien va-t-elle rapporter, cette taxe sur la spéculation ? Seulement 34 millions d’euros ! » Avant de paraphraser les mots de Charles Michel : « Jamais un gouvernement n’a autant attaqué le social pour financer les cadeaux aux patrons. »

Protestparade

Il n’est donc pas étonnant que les députés PTB n’accordent pas leur confiance au gouvernement. « En revanche, nous exprimons toute notre confiance aujourd’hui au mouvement social qui a tiré une leçon essentielle de l’an dernier. On nous a promis un impôt sur la fortune en échange d’un arrêt de l’action sociale. En vain, et cela ne se passera pas deux fois. Vous allez devoir revenir sur votre politique antisociale. »

Le président du PTB, Peter Mertens, lors de l’annonce de la Protestparade qu’organise son parti le 15 novembre prochain : « Ils nous ont promis un tax shift, mais au lieu de Robin des Bois, nous avons eu le shérif de Nottingham. Moins d’impôts ? Nous avons justement plus d’impôts, et moins de services. C’est le monde à l’envers et nous ne pouvons pas laisser faire. C’est pourquoi nous organisons une Protestparade : un signal politique pour tous les gens qui sont déçus et qui recherchent des alternatives. Aussi au plan politique. Nous voulons leur parler de la semaine de 30 heures, de la taxe des millionnaires, de nos ambitions pour le climat, de notre vision pour les pensions… »

1. Selon le site spécialisé derijkstbelgen.be

Article publié dans le mensuel Solidaire de novembre 2015. Abonnement.