Élections aux États-Unis : Se débarrasser de Trump sans se faire d'illusions sur Biden

L’enjeu des élections présidentielles américaines du 3 novembre est important. Elles se déroulent dans un climat d'incertitude et de division, attisé par le président actuel, Donald Trump. Celui-ci entend bien renforcer la Nouvelle Droite partout dans le monde. Mais un mouvement progressiste de gauche grandit également : avec la lutte pour un salaire minimum à 15 dollars de l’heure, le combat contre le racisme, ou encore des personnalités comme Alexandria Ocasio-Cortez et Bernie Sanders. Ce mouvement appelle à un vote massif pour se débarrasser de Trump, sans pour autant se faire d'illusions sur son adversaire, Joe Biden.

La campagne Biden contre Trump se déroule dans une période de turbulence. Les États-Unis sont face à un dangereux cocktail de crises : économique, sanitaire et sociale.

Un cocktail explosif

La pays a été très durement touché par la pandémie de COVID-19. Trump minimise la gravité de la situation, mais environ 8 millions d’Américains ont été infectés par le coronavirus, et 218 000 personnes en sont mortes. Une victime du coronavirus sur cinq dans le monde vit aux États-Unis.

Au second trimestre de cette année, l’économie a subi une récession de pas moins de 9,5 %, soit la plus forte baisse jamais enregistrée. Depuis la mi-mars, plus de 30 millions d’Américains ont perdu leur emploi. C’est trois fois plus que lors de la Grande Dépression, dans les années 30. Les Américains les plus précarisés et les « travailleurs pauvres » (personnes qui ont un emploi la majorité de l’année, mais qui demeurent dans la pauvreté, du fait de la faiblesse de leurs revenus) sont les premières victimes de la crise, tant sur le plan sanitaire qu'économique.

De nombreuses mobilisations

Selon l'Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED), une ONG qui surveille les conflits dans le monde entier, pas moins de 10 600 manifestations ont été organisées depuis le mois de mai aux États-Unis. 73 % d’entre elles étaient liées au mouvement « Black Lives Matter », à la suite du meurtre de George Floyd. Un « Wall of Moms » (« mur des mamans »), composé essentiellement de femmes blanches des banlieues, avançait au premier rang de ces manifestations antiracistes, afin de protéger le reste des participants de la police.

Le militantisme syndical connaît également une résurrection. Outre des victoires locales, la campagne pour un salaire minimum de 15 dollars de l'heure a été un succès. Les syndicats des enseignants ont aussi mené plusieurs grèves. Des pans importants de la population américaine entrent en résistance.

La menace de l’extrême droite

En parallèle, il y a également eu 360 contre-manifestations, dont une centaine étaient organisées par des groupes de suprématistes blancs, accompagnés de milices armées. Le New York Times estime le nombre de ces milices armées à plus ou moins 300 et leurs membres actifs à environ 20 000. Un quart serait des vétérans de l'armée.

Les États-Unis ne sont pas le seul pays au monde où les contestations sociales et les provocations d'extrême droite sont en augmentation. Le fait que ses habitants soient armés rend toutefois la situation particulièrement explosive. Selon le think-tank Pew Center, environ 300 millions d'armes sont en circulation aux États-Unis, pour une population de 323 millions d'habitants. Quelque 31 % de familles américaines possèdent une ou plusieurs armes à feu. L'année dernière, le nombre de licences d'armes a augmenté de manière exponentielle.

Le facteur Trump

Plusieurs analystes affirment que tous les ingrédients sont réunis aux États-Unis pour une guerre civile. Il ne faut pas sous-estimer l'importance des élections et l'impact du facteur « Trump ».

Le fait que le président ait minimisé le danger du coronavirus a choqué le monde entier (à juste titre). Mais qu'il ait déjà insinué à plusieurs reprises qu'il n'accepterait pas une défaite électorale est passé plutôt inaperçu. L’actuel président sollicite pourtant déjà ses partisans via les réseaux sociaux pour le soutenir dans cette démarche. La milice d’extrême droite Oath Keepers [Gardiens du serment, N.D.T.] a déjà appelé à passer à l’action en cas de défaite électorale.

L’approche désastreuse de Trump lors de la pandémie et des protestations contre les violences policières ont contribué à ce que son adversaire, le candidat démocrate Joe Biden, soit actuellement largement en tête dans les sondages. Une victoire de Biden est donc le scénario le plus probable, mais une réélection de Trump n’est pas impossible. Avec le système électoral américain, Trump n'a pas besoin d'obtenir plus de voix que Biden.

On ne peut exclure une réaction violente de la part des partisans armés d'extrême droite de Trump, surtout si Biden l'emporte de justesse. Depuis des mois, Trump s’épanche sur de possibles fraudes. Il maintient que si Biden l’emporte, ce sera uniquement parce qu’il aura truqué les élections. Dans un pays où les théories du complot pullulent comme jamais auparavant, ces mots pourraient avoir un impact sérieux.

Une défaite de Trump serait une bonne chose

Une réélection de Trump serait un coup dur sur tous les plans pour la classe des travailleurs.

La politique de Trump ne fera qu’enrichir les riches. Ses réductions d'impôts n'ont profité qu'aux 20 % les plus nantis. Par ailleurs, le gouvernement Trump a érodé les conditions de travail, notamment les normes relatives au travail des enfants et à l'exposition aux radiations chimiques. Un ajustement de la règle sur la compensation des heures supplémentaires a eu pour conséquence que les travailleurs ont dû remettre 1,2 milliard de dollars de salaire.

L'éminent universitaire de gauche Noam Chomsky affirme même que Trump veut détruire la vie humaine sur Terre. Trump veut continuer à investir dans l'exploitation des combustibles fossiles dans les réserves de l'Alaska, et faire marche arrière sur les mesures prises contre les émissions de CO2. Et ce alors que la fonte des glaces polaires du Groenland sont en train d’atteindre un seuil critique…

Enfin, Trump représente également une menace pour les droits démocratiques et la paix mondiale. Il défend ouvertement les suprémacistes blancs et appelle indirectement à l’action violente contre tout ce qui est à gauche. Il est le porte-drapeau de l'extrême droite et des forces les plus réactionnaires et agressives du monde. Il est favorable à une Guerre froide contre la Chine, et à une alliance ouverte avec Israël et les États du Golfe les plus réactionnaires.

#VoteTrumpOut

L'initiative #VoteTrumpOut, soutenue par des voix de grande ampleur telles que Naomi Klein, Noam Chomsky et Alexandria Ocasio-Cortez, mérite un soutien total. Cela ne signifie pas que la gauche américaine se baigne d’illusions concernant Joe Biden. Biden a soutenu les réductions d'impôts massives des républicains lorsque Ronald Reagan est arrivé au pouvoir en 1980. Contrairement à Sanders et Warren, il ne défend pas un impôt sur la fortune significatif. Il n'a pas non plus l'intention d'étendre le système Medicare à tous les Américains, et refuse de mettre un terme au « fracking » (l’exploitation de gaz de schiste) pourtant très polluant.

Biden a voté pour l'intervention militaire en Irak et a déjà déclaré à plusieurs reprises qu'il ne mettrait pas un terme aux hostilités vis-à-vis de la Chine. Il représente, tout comme Hillary Clinton et Barack Obama, l'aile démocrate de l'impérialisme américain. Ce qui diffère de la période Obama, c’est qu’aujourd'hui, la conscience que les changements ne viennent pas d’en haut, mais sont imposés par les masses, par la lutte, vit beaucoup plus dans la population.

Biden ne changera rien de ce système au service des plus puissants. La mobilisation restera donc nécessaire, y compris si Biden gagne. La lutte syndicale, le mouvement antiraciste et le mouvement des femmes débordent de vie aujourd'hui. Celui qui sera élu le 3 novembre devra en tenir compte. Les positions des élus de gauche à différents niveaux sont aujourd’hui très populaires. En elles se trouvent les graines de l'espoir.