Espagne: travailleurs de l’automobile et de… robes de mariées s'unissent pour fabriquer des masques

15 000 ouvriers de l'usine SEAT de Barcelone ont décidé de réorienter leur usine. Fini la production de voitures : ils fabriquent désormais des masques et respirateurs pour lutter contre le Coronavirus. Solidaire a appelé Ricard Juan Escrich, secrétaire du syndicat Comisiones Obreras (CCOO) dans l'usine.

Depuis le 16 mars dernier, l’usine est à l’arrêt suite à une rupture de stock de matériel pour produire les voitures. Grâce à la délégation syndicale, un bon accord social a été signé avec la direction : l’entreprise complète le chômage technique des travailleurs pour qu’ils bénéficient d’une allocation qui atteint 90 % du salaire, avec maintien des primes ; les travailleurs ne doivent pas prendre leurs congés annuels. Ces mesures permettent aux travailleurs qui ont des enfants de prendre soin de ceux-ci puisque les écoles sont fermées.

Une partie des travailleurs de SEAT ont décidé de reprendre le travail pour fournir du matériel pour les professionnels de la santé

Bien que les travailleurs de SEAT soient au chômage technique, une partie de ceux-ci ont décidé de reprendre le travail pour fournir du matériel pour les professionnels de la santé. Ils se sont alliés avec les travailleuses de Pronovias, qui confectionnent des robes de mariées.

2000 masques par jour

Quel est le point commun entre ces deux secteurs ? En principe, rien. Ils n’utilisent pas les mêmes matières premières, ils n’ont pas tout à fait le même public cible et les méthodes de travail sont très différentes. Mais, s’il y a une chose que la crise du coronavirus a permis de réaliser, c’est de montrer que les choses changent. C’est dans ce contexte que les deux entreprises se sont alliées pour fabriquer des masques sanitaires. Et les travailleuses et les travailleurs y arrivent, raconte Ricard : ils en sont à 2 000 pièces par jour actuellement.

Face à la pandémie qui touche l’Espagne de plein fouet, une partie des travailleurs, ingénieurs et professionnels de la santé ont examiné la possibilité de fabriquer des respirateurs et des masques pour répondre au manque de ressources.

Comment s’y sont-ils pris, concrètement, à SEAT et Pronovias ? Ricard raconte : « Nous, les travailleurs de SEAT, avons contacté nos spécialistes de la production pour voir ce qui pouvait être fait. Réponse : des masques imprimés en 3D et fabriqués dans un matériel très résistant. Des masques qu’on peut désinfecter et qui peuvent être réutilisés.Soit des masques bien utiles pour les soins intensifs. On peut en faire entre 40 et 50 par jour. Comme la production de ces masques est limitée, les ouvriers ont voulu lancer une deuxième ligne de masques sanitaires, mais plus légers, en tissu. C’est là que Pronovias intervient, grâce au contact entre les délégués syndicaux des deux entreprises. Beaucoup d’entre nous ont voulu collaborer et faire quelque chose parce que nous constatons que les travailleurs de la santé ne sont pas dotés des équipements de protection adéquats. »

Pendant que les imprimantes 3D produisent les masques pour le personnel soignant des unités de soins intensifs, plusieurs travailleurs de SEAT fournissent le matériel aux travailleuses de Pronovias pour qu’elles puissent coudre dans l’atelier de l’entreprise et même chez elles. Chaque jour, à 17h, le matériel est livré.

Des travailleurs volontaires 7 jours sur 7

Dans le cas des respirateurs, en raison de problèmes d’homologation, la fabrication prendra un peu plus de temps. Mais les travailleurs sont déjà bien occupés actuellement avec la fabrication de masques. Ils ont l'objectif d'augmenter la production tant que possible. A noter que les travailleurs volontaires pour ce projet bossent tous les jours de la semaine, samedi et dimanche compris...

Cette initiative a pu voir le jour grâce au syndicat qui a pu compter sur les représentants de Unidas Podemos

Pour Ricard, cette initiative a pu voir le jour grâce au syndicat qui a pu compter sur les représentants de Unidas Podemos (coalition de partis de gauche) au gouvernement. Mais la leçon la plus importante qu’il tire de cette expérience, c’est que « cette crise met à nu la réalité, à savoir que ce sont bien les travailleurs qui font vivre cette société, que ce soit les travailleurs du transport, de l’agriculture, des services publics, les caissières des supermarchés, toutes celles et ceux qui prennent soin des malades, des personnes vulnérables, des aînés. Ce sont eux qui aujourd’hui permettent que l’économie soit mise au service de la population ».