« Flexibilité et polyvalence » : pourquoi ces mots qui semblent si jolis provoquent une grève chez Brico

La direction avait prévu de faire un gros chiffre d'affaire pendant ce premier week-end des vacances de Pâques. Ce ne sera pas le cas : il y aura des piquets de grève devant les plus gros magasins de la chaîne. C’est que, quand l’entreprise fait plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaire, les licenciements, pertes de salaires et autres mesures d’ultraflexibilité passent mal.

« Ce week-end, nous exprimerons notre ras-le-bol » déclare un délégué syndical de Brico Plan-It, après l'échec des négociations avec la direction de Brico ce 28 mars. C’est que les actionnaires veulent « préparer l'avenir ». Et, en janvier, ils ont annoncé un « plan de retour à la croissance » pour faire plus de chiffres. Enfin, retour à la croissance... de leur portefeuille, surtout. Ils affirment que le marché du bricolage ne grandit plus, mais ils veulent néanmoins garder - et même augmenter - leurs bénéfices. En 2015, le groupe Maxeda, auquel appartiennent les Brico et les Brico Plan-It, a pourtant fait 1,34 milliard d'euros de chiffre d'affaire.

« On fait des propositions, ils reviennent avec le même powerpoint qu’avant »

« Le client doit voir que nous nous différencions par rapport à la concurrence », déclare le CEO Dieter Struye. Pour cela, les travailleurs doivent faire des efforts : accepter la disparition d'une centaine d'emplois, accepter des pertes de salaire, et surtout être plus flexibles et polyvalents.

En effet, il s’agit de perdre 800 euros de prime ainsi qu’une partie du sursalaire du dimanche, de sortir les quarts d'heure de pause du temps de travail, d’être obligés de faire le boulot avec moins de personnel, de devoir changer ses horaires et d’être polyvalent. Autant de « différences » dont le personnel ne veut pas.

Depuis le début des négociations en janvier, la direction est arrogante. Sa logique est purement financière, et elle n'a pas modifié la moindre virgule de son plan au fil des réunions. « C'est insupportable : nous posons des questions, nous faisons des propositions, la direction dit qu'elle va réfléchir et, à la réunion suivante, elle revient avec la même présentation powerpoint pour expliquer son plan. Pour qui nous prend-on ? » raconte une jeune déléguée syndicale bruxelloise.

Pression d’en bas et concessions

Cette semaine, de crainte de voir des perturbations dans les magasins à l'approche du premier dimanche d'ouverture de l'année, la direction a fait des concessions : le quart d'heure de pause restera payé, les primes seront transformées en chèques-repas ou écochèques et il n'y aura pas de licenciements. En revanche, on ne remplacera quand même pas les prochains départs naturels.

La direction n'a par contre rien voulu savoir sur la flexibilité et la polyvalence. Des mots en apparence plutôt sympathiques qui cachent pourtant des mesures de casse des conditions de travail. La direction veut ainsi toujours modifier fortement les horaires en changeant les heures de début et de fin de journée, en supprimant les cycles et les jours fixes, tout ça en fonction du volume de travail et du nombre de clients. « On va nous communiquer les horaires 3 semaines à l'avance au lieu de 12, expliquent les caissières de La Louvière. Ça fait 25 ans qu'on fonctionne comme ça et, du jour au lendemain on va complètement changer notre mode de vie ? Pas question ! »

La direction estime aussi que le rôle des délégations syndicales doit être réduit et que seuls les managers locaux doivent pouvoir décider de l'organisation de la polyvalence qui oblige les travailleurs à travailler dans différents rayons et départements. Traduction, selon Aline : « Je devrais alors commencer par vider des palettes et mettre en rayon, puis être appelée en renfort caisse, pour retourner ensuite aux palettes, puis servir les clients et répondre à leurs questions, improviser un mélange peinture, monter sur l'échelle pour terminer de mettre la marchandise en rayon, filer un coup de main au collègue à la découpe de bois, traverser le magasin pour aller montrer la boite de vis de 6 mm...»

Ballon d'essai

S’il passe, ce plan pourrait bien servir de ballon d’essai pour les patrons en Belgique. Avec les compliments de la nouvelle loi de flexibilité du ministre Kris Peeters. Cette loi prévoit la possibilité pour les patrons d'imposer des heures supplémentaires sans récupération, de modifier la durée de la semaine de travail en fonction des pics de commandes, ou encore de réduire le délai d'avertissement des horaires variables.

Aujourd'hui ce sont les travailleurs de Brico qui sont touchés. Mais, demain, ce genre de plan pourrait bien tomber sur la tête des travailleurs d'autres entreprises dans le pays. Pour contrer ce plan, ceux de Brico ont besoin de soutien. Pourquoi pas leur rendre une petite visite de solidarité ce samedi ?