La justice toujours plus inaccessible

Ce mardi 21 février, des avocats ont mené une action devant le cabinet du ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V), pour dénoncer la réforme de l’aide juridique, entrée en vigueur en septembre dernier. Cette réforme rend l’accès à la justice de plus en plus difficile pour les personnes aux faibles revenus. Mais avocats et associations contre-attaquent.

Aller en justice coûte cher

Divorce, problèmes avec son propriétaire, licenciement, harcèlement..., il arrive des moments dans la vie où il faut s’adresser à la justice, même si on préférerait s’en passer. Et la question financière se pose rapidement. Tout le monde sait en effet qu’aller en justice coûte cher. Et cela ne fait qu’empirer.

Il faut tout d’abord payer les honoraires d’avocat, qui ne sont pas remboursés par la sécurité sociale. Cela se chiffre rapidement à plusieurs milliers d’euros pour une procédure devant un tribunal. De plus, depuis le 1er janvier 2014, la TVA de 21 % a été imposée sur ces prestations, ce qui conduit à une explosion des coûts pour les clients.

S’ajoutent à cela des frais à payer directement au tribunal (droits de greffe). La première mesure du ministre de la Justice Koen Geens a été de les augmenter de 55 %.

Il faut parfois aussi faire appel à un huissier pour faire respecter une décision de justice ou récupérer de l’argent. Là encore, la facture s’alourdit et, depuis 2012, une TVA de 21% est également en vigueur.

Ces différentes mesures rendent, dans les faits, l’assistance d’un avocat impossible pour beaucoup de citoyens. Pour 50 % de la population, l’accès à la justice devient totalement impayable. On sait pourtant que, sans avocat, il est difficile de se défendre devant un juge, tant les procédures, le langage et la législation sont peu accessibles aux non-professionnels.

Aide juridique : le ministre de la Justice s’attaque aux plus faibles

Le gouvernement a récemment pris une nouvelle mesure, qui rend plus difficile l’accès à l’aide juridique pour les personnes à très faibles revenus. Cette mesure concerne l’aide juridique, qui permet à des justiciables qui n’ont pas les moyens de financer un avocat de se voir désigner un avocat rémunéré par l’État.

La nouvelle loi prévoit une réforme en profondeur de l’aide juridique :
- Il faut présenter toujours plus de documents pour prouver sa situation financière : même une personne au CPAS n’est plus présumée pouvoir bénéficier de l’aide juridique;
-  Un « ticket modérateur » de 50 euros doit être payé, même pour les bénéficiaires de l’aide juridique totalement gratuite ; et en cas de procédure complexe, le montant total peut être plus élevé ;
-  Le système de rémunération des avocats travaillant dans le cadre de l’aide juridique est complètement revu et aucune information ni garantie n’est apportée quant au montant de la rémunération.

Ce nouveau système entraîne une surcharge administrative pour les justiciables et les avocats. En effet, des personnes déjà fragilisées doivent effectuer des démarches complexes pour rassembler des documents, sans aucune garantie que la désignation d’avocat sera acceptée. Si l’affaire est urgente, le risque est grand que l’avocat ne puisse pas intervenir à temps. Face à la lourdeur de la tâche, certaines personnes renoncent tout simplement à faire valoir leurs droits.

Du côté des avocats, nombre d’entre eux renoncent à intervenir dans le cadre de l’aide juridique. À titre d’exemple, la section « surendettement » du bureau d’aide juridique de Bruxelles a vu le nombre de ses avocats diminuer de moitié depuis l’entrée en vigueur de la loi, le 1er septembre dernier. Elle envisage à présent de fermer purement et simplement ses portes.

Les associations et les avocats s’organisent

Confrontées à ces différents constats, une vingtaine d’associations a donc décidé d’attaquer cette réforme devant le Conseil d’État et devant la Cour constitutionnelle. Les affaires sont en cours et le traitement devrait prendre encore de nombreux mois. Ces associations requérantes ont en commun de travailler, notamment, avec des bénéficiaires de l’aide juridique. Elles constatent que, depuis l’entrée en vigueur de la loi, leurs usagers peinent à trouver un avocat.

Les avocats opposés à cette réforme s’organisent également. Une première action est prévue devant le ministère de la Justice ce 21 février et le mouvement devrait se poursuivre, tant l’opposition à la nouvelle loi est profonde.

La plateforme « Justice pour tous », qui regroupe des associations, des avocats et des magistrats, souhaite aussi construire un mouvement commun aux justiciables et aux professionnels de la justice, pour un accès à la justice pour tous, quels que soient les revenus. Un après-midi de rencontre et de réflexion est ainsi organisé le 23 février. Là encore, ce n’est qu’ensemble que la lutte pourra payer.