« Le capitalisme est incapable de donner une solution au pouvoir d'achat ou au problème climatique »

En ce jour de grève générale, jeunes en lutte pour le climat et syndicalistes se sont retrouvés sur les piquets de grève. Pour le délégué syndical Tom Joosen, les deux mouvements ont en réalité le même ennemi et sont loin d'être opposés comme certains politiciens le prétendent. Reportage partout en Belgique.

Ce 13 février, les travailleurs de tous les secteurs forment un front commun syndical.  Ils ont arrêté le travail pour défendre le pouvoir d'achat et les régimes de fin de carrière. En même temps, un mouvement historique d'élèves et d'étudiants pour le climat manifestent dans les rues de Belgique depuis cinq semaines. Les partis de droite, N-VA et MR en tête, tentent de monter les jeunes manifestants et les syndicats les uns contre les autres. Les partis de l'establishment tentent de confronter la population à un faux choix : le climat ou le pouvoir d'achat. Dans la rue, le son de cloche est tout autre : «  Climat et pouvoir d'achat vont de pair.  »

La question de savoir qui paie pour la transition écologique est intimement liée à la question du pouvoir d'achat. Le cœur du problème est en réalité économique : qui va payer la facture ? Les travailleurs ou les multinationales qui font des profits records grâce notamment à leurs  investissements dans les énergies fossiles ? « Ce sont les grosses fortunes qui devraient payer le plus pour les conséquences du changement climatique. Les grandes entreprises sont responsables de la plus grande partie des émissions de CO2, pourquoi les travailleurs devraient-ils payer pour cela », explique Tom Joosen, délégué syndical de la CGSP, à Solidaire, lors du piquet de grève du personnel de l'Université de Gand. « Les décideurs politiques essaient de nous faire croire autre chose, mais la grève reste l'outil le plus efficace dans la lutte politique. » Les entrepreneurs le savent : sans travailleurs, aucune richesse n'est produite durant la grève. En arrêtant le travail, les travailleurs leur refusent la valeur ajoutée, fruit de leur travail : « Avec cette grève, nous renversons l'équilibre du pouvoir : nous faisons sentir au patronat combien notre pouvoir collectif est fort », poursuit Tom Joosen. Et lorsqu'on lui demande s'il se sent renforcé par les mobilisations climatiques massives de ces dernières semaines, le syndicaliste répond avec enthousiasme : « Le capitalisme est incapable d'offrir des solutions pour le pouvoir d'achat ou le climat. Nous avons le sentiment que de plus en plus de jeunes s'en rendent compte. Des mesures individuelles pour lutter contre le réchauffement climatique ou pour le pouvoir d'achat ne suffiront pas. »

Et qu'en pensent les jeunes justement ? A Liège et Bruxelles, élèves du secondaire et étudiants du supérieur ont rendu visite aux travailleurs en grève.

Rouge + vert + jaune = espoir

Nicolas, 23 ans, s'est rendu au piquet de Safran Aero Boosters, près de Liège. Il en ressort plein d'enthousiasme : « J'ai rechargé mes batteries  ! Voir des Gilets jaunes, rouges et verts ensemble, ça donne beaucoup d'espoir. Se dire que tout le pays est à l'arrêt, c'est motivant pour nos luttes futures, qu'elles soient pour le climat, pour les services publics, pour nos pensions... Ici, on peut voir que le vrai pouvoir, c'est celui du peuple. Il n'y en a pas d'autre.

Pour beaucoup de jeunes, cette grève générale était l'occasion d'une première rencontre avec le monde du travail. Thomas, 15 ans : « C'était aussi mon tout premier piquet. Je pensais que ça allait être froid et triste. Mais c'est le contraire  : joyaux et amical  ! J'ai appris plein de choses sur les syndicats, sur leurs luttes, leur histoire, leur tactique, etc. Être sur le terrain est la seule manière de comprendre les luttes des travailleurs. Je suis impressionné par le courage... et la colère qu'il y avait aux piquets. »

Tout comme pour Cleo, 15 ans, cette première expérience était enrichissante: « Je me suis rendue compte dans quelles conditions les gens travaillent à l'usine. Je n'en savais rien. Dès qu'on arrive sur un piquet, les travailleurs nous demandaient très chaleureusement qui on est, pourquoi on vient. Et ils nous expliquent directement leurs revendications. Je n'étais pas au courant des négociations entre syndicats et patronat autour de la hausse salariale. J'ai compris pourquoi ce point-là ne passait pas. Et aussi sur les pensions. Un travailleur à quelques mois de la pension m’expliquait qu'il ne se pas battait seulement pour sa retraite ou le montant de celle-ci mais que pour ses petits-enfants, ses enfants, aient un emploi digne.Et ce qui me frappe aussi, c'est que les travailleurs et nous, nous sommes bien d'accord sur le fait que les responsables des menaces sur le climat sont les mêmes responsables des problèmes de la non-répartition de la richesse produite par les travailleurs...

Avec des travailleurs aussi déterminés et des jeunes qui assurent déjà la relève, les Charles Michel et Bart De Wever de ce monde ont du souci à se faire...