Le tribunal a tranché : oui les travailleurs de Volvo ont le droit de mener des actions

Robin, un militant syndical de Volvo Car Gand, suspendu pendant cinq jours suite à une action de grève, a obtenu gain de cause. Le tribunal a estimé l'entreprise coupable de « violation du droit de grève et de discrimination syndicale ». C'est la deuxième fois en six mois que Volvo Car Gand est condamnée pour des faits similaires. Dans les deux cas, l'entreprise a dû verser des dommages et intérêts.

Le 12 février 2020, le Tribunal du travail de Gand rendait son verdict par rapport à une action menée le 7 décembre 2017. Ce jour-là, deux équipes d’ouvriers s'étaient croisé les bras pendant une demi-heure pour protester contre la pression exercée sur les travailleurs. Suite à l'intervention d'un responsable, les deux équipes avaient repris le travail, mais une personne de chaque équipe s'était vue sanctionnée. Un militant syndical, dans les deux cas. L'un d'entre eux, Robin, a été transféré dans une autre équipe, mais a aussi été suspendu pendant cinq jours, soit la sanction la plus lourde avant le licenciement. Le Tribunal du travail a estimé qu'il s'agissait là d'un cas de « discrimination syndicale », et une violation du droit de grève.

En juillet de l'année dernière, le Tribunal du travail avait également donné gain de cause à quatre autres employés de Volvo, licenciés sans préavis

En juillet de l'année dernière, le Tribunal du travail avait également donné gain de cause à quatre autres employés de Volvo, licenciés sans préavis. Ces quatre travailleurs avaient, avec 150 de leurs collègues, arrêté le travail le 31 janvier 2018, dans le cadre d'un mouvement de grève spontané visant à dénoncer des problèmes qui traînaient depuis des mois. « Si des employés continuent de se plaindre de la pression au travail et reçoivent pour seule réponse 'on y travaille', mais ne voient rien changer, on peut comprendre qu'ils aient recours à des actions spontanées. Dans de telles situations, le seul moyen de se faire entendre est bien souvent d'arrêter le travail », avait à l’épqque réagi Tom De Meester, aujourd’hui député PTB au Parlement flamand.

Remontons le temps…

En septembre 2017, Volvo Car Gand était à l'arrêt pendant quatre jours suite au plus grand mouvement de grève que l’usine ait connu depuis plus de trente ans. L'entreprise a pris des mesures suite à ces événements, et notamment de ralentir les cadences sur la ligne de production. Pourtant, à peine quelques mois plus tard, la ligne fonctionnait à nouveau à plein régime. Plus vite, même. « À quoi servent toutes les promesses faites en septembre ? », se demandait un travailleur. « Volvo ne résout rien ! Tout doit aller dans le sens de la production. Ce n'est jamais assez ! En septembre, nous avons rejeté l'accord à 55 %. Dans certains secteurs, c'est même pire qu'avant ».

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C'est dans ce contexte que l'action de décembre 2017 a eu lieu sur la ligne où travaillait Robin. Les travailleurs subissant partout des pressions plus accrues, diverses petites actions étaient menées, jusqu'à celle du 31 janvier 2018, de plus grande envergure.

À l'époque, Volvo a décidé de mettre le holà en licenciant illégalement 9 personnes sans préavis. Le but étant d’effrayer tous les travailleurs prêts à défendre leurs droits. Tout le monde peut signaler un excès de charge de travail lors des réunions d'équipe, mais c'est tout.

Ces deux jugements du Tribunal du travail sont donc primordiaux pour le personnel de Volvo Car Gand. Ils confirment que chaque travailleur a le droit de mener des actions, de démissionner, de défendre des conditions de travail humaines et d'être traité avec humanité.

Dans les deux cas, l'avocat de Volvo a fait valoir qu'il s'agissait d'« incorrigibles têtes brûlées ». Cette accusation vide de sens contraste fortement avec le fait que ces personnes travaillaient pour Volvo depuis de nombreuses années, de manière très satisfaisante et qu'elles avaient même bénéficié d'une promotion en interne. Le tribunal a donc rejeté l'argument de Volvo, estimant qu'il s'agissait d'une violation du droit de grève qui autorise les travailleurs à faire valoir leurs droits, si nécessaire en arrêtant le travail. L'argument de Volvo selon lequel de telles actions n'ont pas leur place dans une entreprise où la concertation serait sacro-sainte a également été rejeté. En effet, comment peut-on parler de concertation si elle n'aboutit jamais à rien en fin de compte ?

Une victoire importante pour les droits syndicaux

Ces deux victoires sont également essentielles : elles confirment le droit des travailleurs à se mobiliser pour défendre leurs droits. Tout cela dans un contexte où tant le gouvernement que les organisations patronales s'en prennent violemment au droit de grève.

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L'introduction du service minimum dans les chemins de fer et les prisons en témoigne. Dans les prisons, la procédure prévoit même de pouvoir réquisitionner les agents pénitentiaires pendant une grève. Les cheminots et les gardiens s'opposent au service minimum qui porte atteinte à leur droit à mener des actions. Pas seulement pour eux. Car ce que veut le personnel des chemins de fer, c'est un service maximal pour les passagers. Les gardiens réclament quant à eux des conditions de travail acceptables et des conditions de vie dignes pour les détenus.

On pense aussi au procès du secrétaire syndical Bruno Verlaeckt et du représentant syndical Tom Devoght. Bruno a été condamné pour « entrave méchante à la circulation » lors de la grève générale du 24 juin 2016. Bien que ce verdict ne soit assorti d'aucune sanction, il crée un précédent grave qui devrait inquiéter n'importe quel démocrate. Le jugement prononcé contre Volvo Car Gand est donc particulièrement réjouissant.

Des bénéfices records

Volvo n'est pas une entreprise en difficulté. En 2017, elle a enregistré des bénéfices records et ce, grâce aux efforts, à la flexibilité et à la qualité de ses travailleurs et notamment ceux qui ont été licenciés et sanctionnés.
Le rapport annuel de Volvo Cars pour 2018 s'ouvre sur cette note triomphante : « Pour la première fois de notre histoire, nous dépassons la barre des 600 000 voitures vendues, 642 000 très précisément », déclare fièrement le PDG Håkan Samuelsson.
En termes de bénéfices, Volvo Cars bat également des records avec 1,3 milliard d'euros de bénéfices d'exploitation en 2018, soit une augmentation de 0,9 % par rapport à 2017 et un chiffre encore jamais réalisé par Volvo Car. On notera que, dans le même temps, les employés n'ont reçu aucune prime pour ces résultats. C'est la première fois depuis des années.
Le bénéfice d'exploitation pour l'ensemble de l'année 2019 a atteint 1,35 milliard d'euros, encore un record. Volvo Cars publie ces résultats juste après avoir annoncé avoir vendu plus de 700 000 voitures en 2019 pour la première fois de son histoire, établissant ainsi un sixième record de ventes consécutif.
 

Les travailleurs exigent humanité et respect

En octobre 2016 déjà, un certain nombre d'employés concernés avaient écrit une lettre ouverte à la direction et aux fournisseurs de Volvo Cars. Ils dénonçaient la charge de travail insoutenable, la flexibilité parfois absurde et le manque de respect.
« Si vous n'avez pas vous-même travaillé sur la ligne de production, c'est une situation difficile à imaginer », déclaraient alors les travailleurs. « Le stress continu que l'on éprouve lorsque l'on passe huit heures à travailler sur une pièce dans une concentration extrême, à devoir effectuer, 300 fois par jour, plusieurs actions en une minute, alors que, parfois, on n'en a tout simplement pas le temps. Tout travailleur qui travaille de la sorte sur une ligne de production depuis un certain temps sait ce que cela fait et sait aussi comment il rêve, la nuit, qu'il est désespérément en retard et n'en peut plus ».« Arrêtez de tirer sur la corde ! »

En fait, chez Volvo Cars, si vous ne parvenez pas à effectuer votre montage dans le temps imparti, vous pouvez tirer sur une corde. Cette procédure s'appelle un appel Andon. Outre le fait que cela fait un bruit d'enfer, cela provoque aussi l'arrêt de l'ensemble de la ligne. Plus la cadence est élevée, plus les appels Andon se multiplient. Et plus le patron râle : « Arrêtez de tirer sur la corde ! »

C'était déjà l'une des raisons pour lesquelles le personnel s'était mobilisé en 2017. Il en avait assez de ce manque de respect à son égard. On lui avait promis que ce système serait appliqué correctement, mais, à ce jour, il continue de poser problème dans plusieurs secteurs. Volvo s'apprête justement à augmenter la cadence de sa ligne de production.