« Pour une rupture avec le néolibéralisme de l’Occident et de nos gouvernements »
Plus qu’un témoin privilégié de l’actualité qui traverse l’Afrique de l’Ouest, c’est un acteur de terrain qui nous a accordé une heure et demie de son temps depuis Dakar. Car l’économiste sénégalais Demba Moussa Dembélé ne fait pas qu’analyser l’économie et le monde qui l’entoure, il s’emploie à le changer…
« Quand on parle de l’Afrique en Europe, c’est qu’il y a des mauvaises nouvelles... » Lorsque Demba Moussa Dembélé apparaît par vidéo, il ne peut réprimer un petit sourire. Car malgré l’actualité marquée par des guerres, des coups d’État, etc. ce militant reconnu de la gauche ouest-africaine reste optimiste quant à l’avenir. Spécialisé dans les questions liées aux politiques imposées par la Banque mondiale et le FMI aux pays africains, il est directeur du Forum africain des alternatives, membre du Forum social africain et du Forum social sénégalais.
On parle beaucoup de l’Afrique de l’Ouest ces temps–ci. Quelles sont les raisons derrière les changements de gouvernance dans plusieurs pays de la région ?
Demba Moussa Dembélé. Il y a deux facteurs essentiels qui expliquent les putschs récents. Le facteur interne, d’abord : la faiblesse des États. Certains ont été affaiblis par le programme de la Banque mondiale et du FMI. (Par exemple, au Sénégal, très concrètement, la Banque mondiale a profité de la pandémie pour imposer la privatisation du secteur de la Santé. Elle l’a fait avec le gouvernement sénégalais et l’International Finance Corporation (IFC), le bras d’investissement du secteur privé de la Banque mondiale, NdlR)
Les programmes d’ajustement structurel ont détruit des économies, des pays. La situation est tellement grave que sur le plan sécuritaire, ces pays n’arrivent plus à défendre leur territoire et la sécurité des personnes et des biens sur ce territoire. Cette instabilité a induit la perception que ces États n’étaient pas capables de faire face aux problèmes vitaux du pays. On l’a vu au Mali, au Niger, au Burkina Faso.
Le second facteur est la présence du terrorisme djihadiste. Est-ce externe ou interne ?
Demba Moussa Dembélé. Les deux. Pourquoi externe ? Après la destruction de la Libye en 2011 par l’Otan, le terrorisme s’est développé dans la région et il est depuis instrumentalisé par des pays occidentaux. Le terrorisme a servi à l’Occident à justifier sa présence militaire dans nos pays, sans pour autant résoudre le problème. Au contraire même. Les nouveaux régimes ont expulsé l’armée française du Mali, du Burkina Faso et du Niger, car les populations locales ne pensaient pas que la France était venue pour les aider mais pour ses propres intérêts économiques (ses multinationales pillent nos réserves naturelles) mais aussi pour influencer les politiques menées par les gouvernements locaux, à ses ordres.
Mais c’est aussi un facteur interne car il est venu aggraver les problèmes locaux. La réponse des gouvernements a été de transférer des moyens destinés aux besoins sociaux vers la Défense, ce qui a aggravé la dégradation des services publics, comme la santé, l’éducation, etc.
D’ici, on observe un certain soutien populaire pour les nouveaux pouvoirs au Mali, Niger et Burkina Faso. Est-ce juste ? Si oui, comment l’expliquer ?
Demba Moussa Dembélé. C’est juste. Je l’ai observé au Mali, où je me suis rendu plusieurs fois, dans le cadre du Forum sur les migrations, organisé par le Centre Amadou Hampâthé Bâ de Bamako, dirigé par Aminata Traoré, ancienne ministre de la Culture du Mali. Et je suis la situation de très près au Niger et au Burkina Faso.
C’est la première fois que je vois un tel soutien populaire sincère à des régimes militaires en Afrique. J’ai vu de grosses manifestations dans les coins les plus reculés du Niger. Quand le nouveau pouvoir a demandé la fermeture de la base militaire française près de la capitale Niamey, des milliers de gens ont passé des nuits devant la base pour soutenir cette revendication. J’ai vu des femmes apporter de la nourriture aux manifestants.
C’est ce puissant mouvement populaire qui a forcé le président français Emmanuel Macron à capituler. Au départ, les autorités françaises pensaient que le coup d’État n’allait pas durer, et qu’ils garderaient leur laquais Mohamed Bazoum, président déchu, avec l’aide de la Cédéao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest). Mais ni les menaces de la Cédéao ni celles de Macron n’ont fait fléchir la volonté du peuple nigérien de retrouver sa souveraineté. L’armée française a été forcée de quitter le sol nigérien, avec la fermeture de toutes ses bases dans le pays.
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Au Burkina Faso aussi, des gens se mobilisent pour protéger le nouveau pouvoir en disant que celui-ci travaille pour le peuple. Le régime se réclame des idéaux de Thomas Sankara (révolutionnaire burkinabé assassiné pour ses politiques de gauche alors qu’il était président du pays en 1987, NdlR) et c’est ce qui fait sa popularité.
Au Mali, le président actuel, Assimi Goïta, est comparé à Modibo Keïta, premier président du Mali indépendant et une des figures du panafricanisme. Sa popularité va bien au-delà des frontières de son pays. Même ici au Sénégal, Assimi Goïta est plus populaire que le président sénégalais Macky Sall.
La pêche, symbole de la lutte anti-impérialiste au Sénégal
« Les bateaux que nos jeunes pêcheurs utilisaient sont maintenant ceux où s’entassent des familles pour espérer aller jusqu’en Europe… Le gouvernement de Macky Sall a passé un accord avec l’Union européenne. Cet accord vole nos poissons. Chez nous, la pêche emploie directement ou indirectement 15 % de la population active du pays. Et vu la cherté de la viande, le poisson représente 75 % de notre alimentation d’origine animale. Mais cet accord envoie de gigantesques bateaux venus d’Europe qui met en péril des espèces menacées avec la surpêche. Nos pêcheurs ne font pas le poids et se retrouvent sans revenu. Pire, le poisson pêché est de moins bonne qualité et nous est vendu plus cher. Cet accord appauvrit donc toute la population sénégalaise en plus d’assécher une de nos ressources principales. C’est du vol pur et simple. Cela fait partie de la crise qui découle du modèle que l’Occident veut nous imposer. Ceux qui sont au pouvoir dans nos pays n’ont que l’idéologie néolibérale comme seule boussole : ils pensent que le seul moyen de développer nos pays est de faire appel aux investissements étrangers, notamment dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche. Ils disent que cela va créer des emplois, surtout pour les jeunes. Or, les investisseurs ne viennent pas pour créer des emplois mais pour empocher plus de profits. Via le pillage de nos ressources. »
Pensez-vous que la prise de pouvoir par un putsch est souhaitable ?
Demba Moussa Dembélé. En principe, non. C’est toujours un aveu d’échec des politiques menées jusque là. L ’idéal est que la prise de pouvoir se fasse par les élections démocratiques. Mais les circonstances peuvent faire que des gens qui prennent le pouvoir par des putschs rencontrent les aspirations populaires. Ici, au Sénégal, nous nous battons par les voies légales pour faire entendre la volonté du peuple. Mais ce n’est pas évident (voir plus loin, NdlR).
Vous devez comprendre, en Europe, que le soutien populaire aux changements de pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger s’explique par le fait que les nouveaux dirigeants mettent en avant la souveraineté et l’indépendance. C’est pourquoi, dans tous ces pays, une des premières mesures est de demander à la France, l’ex-colonisateur, de partir en fermant ses bases militaires. Au-delà même des bases militaires, les nouveaux dirigeants exigent une révision complète des rapports entre leurs pays et la France. On sent que les acteurs sociaux demandent une rupture avec les régimes locaux qui servaient les intérêts de l’Occident, et de la France en particulier.
L’Occident condamne certains coups d’État, mais pas tous. Comment expliquer ce deux poids, deux mesures ?
Demba Moussa Dembélé. L ’Occident condamne un coup d’État si celui-ci remet en cause ses intérêts. Si le nouveau pouvoir ne va pas contre ses objectifs et sa tactique du diviser pour régner, il n’y a pas de problème…
Quand il y a eu un coup d’État au Tchad en 2021 (le fils du président autoritaire Idriss Déby a pris le pouvoir illégalement une fois celui-ci décédé, NdlR) les autorités françaises ont apporté leur soutien au nouveau régime. Emmanuel Macron en personne est parti au Tchad pour confirmer ce soutien au fils Déby. C’est d’ailleurs en grande partie au Tchad que l’armée française s’est réfugiée après avoir été mise dehors des pays voisins… Idem au Gabon : si le président déchu, Ali Bongo, était un fidèle allié de l’Occident, le régime putschiste ne remet pas en cause la continuité des politiques précédentes. Donc, l’Occident n’a rien à redire à ces coups d’État.
En Afrique de l’Ouest, on observe un rejet des intérêts français. Pourquoi ?
Demba Moussa Dembélé. Ce n’est pas nouveau. Cela prend une plus grande ampleur aujourd’hui. La lutte populaire contre le Franc CFA, monnaie utilisée par 14 pays africains – dont le Mali, le Niger, le Burkina, le Sénégal – a mis en exergue une volonté des peuples pour la souveraineté de ces pays (voir encadré page 55). Le Mali, par exemple, est un pays très important d’un point de vue géopolitique, c’est un très vaste pays qui regorge de ressources naturelles. C’est d’ailleurs pour cela que le général de Gaulle voulait garder une base militaire dans le nord du pays.
Avec l’intervention militaire française de janvier 2013, le président socialiste François Hollande avait imposé une certaine mainmise sur la politique du pays, sans demander l’avis des Maliens. Tout cela a renforcé un sentiment de rejet de la France perçue comme une puissance étrangère ayant voulu instrumentaliser le terrorisme pour se rendre indispensable et imposer son agenda géopolitique dans la sous-région.
La France a tenté de profiter de la présence du terrorisme djihadiste pour reconquérir des parcelles de pouvoir perdues dans ses ex-colonies. Outre consolider les intérêts de ses multinationales, comme Areva au Niger qui pille l’uranium de ce pays, la France a voulu s’approprier de nouvelles ressources naturelles, comme le gaz, le pétrole ou l’or, présentes dans le nord du Mali.
Pendant 10 ans, l’armée française a empêché l’armée malienne d’entrer dans Kidal, ville riche du nord, qui était aux mains des terroristes. En quelques mois, une fois les troupes françaises parties, l’armée malienne l’a fait. Ce sentiment d’une souveraineté retrouvée est partagé par les peuples d’autres pays : au Burkina Faso, au Niger mais aussi au Sénégal, en Guinée et ailleurs en Afrique… La volonté de souveraineté, de lutte contre la colonisation ou néo-colonisation, nous la partageons totalement.
Au Sénégal, on voit des gens qui manifestent contre les magasins de la chaîne Auchan. Pourquoi ?
Demba Moussa Dembélé. Ici, il y a une grande coalition de mouvements sociaux qui va au-delà de la lutte contre le Franc CFA, symbole de servitude et de la domination française. Dans cette coalition on retrouve le mouvement FRAPP (Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine) qui étend la lutte à tous les symboles de la présence française. Et cible donc les magasins comme ceux de la chaîne Auchan et Carrefour, entre autres. Ces grands groupes de distribution viennent détruire le petit commerce local. Ces magasins regorgent de produits importés, parfois de qualité douteuse, vendus à des prix cassés. Donc, une concurrence déloyale contre le commerce local.
Par cette lutte, on contribue à remettre en cause la domination de notre pays. Par-delà la lutte contre cette domination par la France, nous menons des luttes sur différents fronts pour chercher à déterminer nous-mêmes la meilleure voie pouvant nous mener au développement. C’est pour cela qu’on s’oppose aux politiques imposées par la Banque mondiale et le FMI mais aussi à celles des « grands pays » qui viennent nous imposer des politiques de libéralisation pour venir envahir nos marchés, prendre nos terres pour soi-disant les « revaloriser », etc. C’est le modèle hérité de la colonisation que nous combattons, encore une fois.
On assiste à un basculement dans la lutte pour l’hégémonie mondiale avec la baisse de pouvoir de l’Occident et la montée de pays du Sud regroupés dans les BRICS. Est-ce que cela a un impact sur les peuples africains ?
Demba Moussa Dembélé. Quand on voit ce qui se passe en Ukraine et en Palestine depuis l’Afrique, on comprend que l’Occident ne peut pas être du côté des peuples opprimés. Et donc, tout ce qui peut contribuer à affaiblir les puissances occidentales, notamment les États-Unis et l’Europe, est perçu positivement ici, en Afrique, et dans les autres continents du Sud.
Nous voyons les BRICS comme un essai de regroupement de pays du Sud global. Tout ce qui peut permettre au Sud global d’avoir plus de poids sur la scène mondiale renforce notre lutte pour conquérir notre indépendance, notre souveraineté. Pour bâtir un modèle de développement différent de celui qui nous a été imposé.
N’y a-t-il pas un risque qu’en chassant l’impérialisme français, l’impérialisme américain n’en profite ?
Demba Moussa Dembélé. Il faut rester conscient que l’impérialisme américain est le plus grand danger dans le monde, de mon point de vue, notamment pour le Sud global. Si nous luttons contre l’impérialisme français, nous ne perdons pas de vue l’impérialisme américain qui est le chef de file de l’impérialisme occidental. Nous luttons contre l’impérialisme français car il nous touche de plus près, c’est l’ancien colonisateur, on nous impose le franc CFA, les bases militaires, etc. Mais nous savons que l’impérialisme américain est plus dangereux puisqu’il a plus de moyens.
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C’est lui qui est aujourd’hui à la tête de l’impérialisme occidental, via l’Otan. C’est l’Otan qui a détruit la Libye et qui a amené le terrorisme dans le Sahel. Et aujourd’hui, on peut voir la main américaine dans la plupart des troubles qui se passent dans le monde. L ’impérialisme américain met en danger l’humanité tout entière.
Est-ce que la solution passe par le panafricanisme ?
Demba Moussa Dembélé. Le panafricanisme est une idée très simple qui date d’avant les indépendances. C’est l’idée de regrouper tous les enfants d’Afrique, qu’ils soient sur le continent ou dans la diaspora (en Amérique du Sud, aux États-Unis, en Haïti, en Europe...), dans la lutte pour l’émancipation des peuples africains du colonialisme, de l’impérialisme de la discrimination, du racisme.
C’est plus actuel que jamais. L’Union africaine (UA) s’inspire du panafricanisme et reconnaît par exemple la Diaspora comme la sixième région africaine. Le panafricanisme c’est aussi l’idée qui unit les nouveaux pouvoirs dont nous avons parlé au début : au Mali, au Burkina Faso, au Niger, etc.
Le 25 février, les Sénégalais sont appelés à élire le futur président. Est ce que vous pouvez expliquer ce qui se passe dans votre pays ?
Demba Moussa Dembélé. Nous avons un régime finissant, impopulaire, qui sait qu’en cas d’élections normales, il n’a aucune chance. Le président actuel, Macky Sall, a voulu briguer un troisième mandat, ce qui est illégal. Il a été obligé de renoncer à son idée de se maintenir au pouvoir grâce à la mobilisation du peuple. Mais il cherche à favoriser une continuité, à faire élire un président qui continuera ses politiques libérales dirigées par l’Occident.
Pour cela, il cherche à écarter à n’importe quel prix le candidat progressiste, qui est l’homme politique le plus populaire du pays, et même d’Afrique, Ousmane Sonko. Il a utilisé le système judiciaire pour essayer de l’exclure de la campagne électorale. Mais rien n’est encore joué. La grande majorité du peuple sénégalais, notamment les jeunes, continue de se mobiliser autour des idées portées par Ousmane Sonko et son large mouvement populaire. Si nous avons un candidat capable de porter ces idées, il peut gagner. Sonko, c’est la rupture avec l’impérialisme, le colonialisme, contre les politiques libérales imposées par la Banque mondiale et le FMI, etc. C’est la revendication de la souveraineté populaire, le contrôle de grands secteurs-clés de l’économie nationale, la fermeture des bases militaires étrangères.
Il y a un véritable espoir de voir le pouvoir contrôlé par des gens qui mettent réellement en avant les intérêts du peuple. Mais la lutte contre les puissances occidentales est difficile. Heureusement, la conscience politique anti-impérialiste grandit au Sénégal aussi.
Comment nous aider mutuellement ?
Demba Moussa Dembélé. Nous faisons la différence entre ceux qui dirigent vos pays et la population. Et surtout les mouvements progressistes dans vos pays. Nous voyons le soutien que vous apportez aux travailleurs immigrés. Il y a une solidarité de fait entre nos luttes et les peuples du Nord.
Comment pouvez-vous nous aider ? En étant solidaire et en tentant de comprendre le sens de nos luttes. Donnez de l’écho à nos luttes. Intervenez à tous les niveaux, y compris avec vos députés, interpellez vos ministres pour essayer d’infléchir les politiques de vos gouvernements vis-à-vis de nos pays. Mais, aussi, dénoncez les politiques des grosses entreprises présentes chez nous. Nous avons les mêmes adversaires, soyons conscients que nous sommes dans le même camp.
Franc CFA, une monnaie de la France pour dominer ses (ex) colonies
« Cette monnaie est née en décembre 1945 sur volonté de Paris et imposée à l’ensemble des colonies africaines de la France. À l’origine, CFA signifiait « Colonies françaises d’Afrique ».
Après avoir arraché leur indépendance, certains pays ont abandonné cette monnaie pour créer la leur. Aujourd’hui, 14 pays utilisent le Franc CFA : le Bénin, le Burkina, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo (Afrique de l’Ouest) ; le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Tchad (Afrique centrale). C’est un des legs du néocolonialisme français imposé à nos pays après les indépendances (période qui se situe à la fin des années 1960 lors de laquelle plusieurs pays colonisés ont arraché leur indépendance, NdlR). Ce franc CFA reste une arme de domination économique et politique de la France envers certaines de ses ex-colonies.
Domination économique...
Domination économique, car les entreprises françaises actives au Sénégal ou dans les autres pays peuvent rapatrier leurs profits sans entrave, grâce à la libre circulation des capitaux entre ces pays et la France. Cela favorise la fuite des capitaux vers l’Occident. Autre élément : la présence de la France dans les instances de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Les politiques monétaires prises par cette banque sont calquées sur celles de la Banque centrale européenne (BCE). Cela veut dire que des pays les plus pauvres doivent suivre les mêmes politiques monétaires d’une Banque centrale de pays sur-développés.
Avant les réformes récentes, un pays qui utilise le franc CFA devait déposer la moitié de ses réserves de change au niveau du Trésor français. Si la BCE devait déposer la moitié ses réserves de change à Washington, les États-Unis contrôleraient la politique monétaire de la zone Euro. C’est exactement ce qui se passe chez nous.
C’est pour cela que nous voulons en finir avec cette monnaie. Le bilan économique et social du franc CFA est catastrophique. On nous disait que la « stabilité » de la monnaie attirerait des investissements étrangers. Nos dirigeants cherchent à séduire les capitalistes occidentaux via des cadeaux au niveau de la fiscalité. Comme cette possibilité de rapatrier leurs bénéfices sans controle de notre État. On voit les résultats de cette politique : parmi les huit pays de la zone BCEAO, sept sont classés parmi les pays les moins développés (PMA) par les Nations unies.
...et politique
Et au niveau politique ? Cela donne à la France une grande influence sur les élections présidentielles dans nos pays. Par exemple, ceux qui remettent en cause le Franc CFA sont perçus comme des ennemis de la France et combattus. Celle-ci va donc tout faire pour faire élire des candidats qui veulent garder cette monnaie et préserver les intérêts de la France. Sur le plan international, celle-ci doit son statut de « grande puissance » à sa domination des pays africains. Le franc CFA est une arme géopolitique. Un pays qui ne maîtrise pas sa monnaie ne peut pas être indépendant. Un pays qui ne peut pas définir sa politique monétaire de manière souveraine, décider de ses taux d’intérêt, déterminer les secteurs prioritaires dans lesquels il doit investir, etc. ne peut pas contrôler son économie. Résultat : nos pays n’exportent en grande majorité que des matières premières, souvent à prix cassés sur des marchés qui dépendent de l’extérieur. Ils sont incapables de construire des structures domestiques pour transformer leurs propres ressources et créer des richesses qui bénéficient aux populations locales. C’est le drame des pays qui utilisent le franc CFA. »
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