Syndicats et société civile stoppent l’austérité dans le nettoyage

Septembre 2023. Le conseil communal de Gand décide de couper dans les services de nettoyage. Une vague de licenciements dans les entreprises externes du secteur suit, la charge de travail augmente. Le personnel du secteur, les syndicats et la société civile se mobilisent et s’unissent dans un large front. En juin 2024, le conseil communal cède à la pression.

« Une ville propre commence à l’école ! Non à lʼaustérité dans le nettoyage de nos écoles gantoises ! » Le message sur la banderole des syndicats et de la société civile à Gand est clair. Wendy Wouters, déléguée CSC chez ISS (société de nettoyage), raconte : « Nous avons pris cette banderole partout avec nous, lors de manifestations et d’actions à Gand et à Bruxelles. » Objectif : annuler les mesures d’austérité de la ville de Gand dans les services de nettoyage.

Celles-ci ont été mises en œuvre en septembre 2023. Une décision lourde de conséquences pour le personnel des deux sociétés de nettoyage externes avec lesquelles la ville a passé un contrat (ISS et Atalian). « Les sociétés de nettoyage ne vont évidemment pas couper dans leurs bénéfices. Elles préfèrent économiser sur le dos du personnel », explique Wendy. « Mon entreprise a licencié 65 personnes qui travaillaient dans des écoles et des musées. Parfois, plusieurs membres d’une même famille travaillent pour la même entreprise. Ces mesures ont donc privé des familles entières de leur emploi. Les derniers embauchés ont été les premiers à être licenciés. Ils ont d’abord essayé d’affecter les travailleurs ailleurs dans l’entreprise, mais ce n’est pas évident. Chez Atalian, ils ont réduit les heures de travail. »

Et pour le personnel restant, la charge de travail a considérablement augmenté. « Les salles de classe, les couloirs, les toilettes... on est passé à un nettoyage par semaine, contre deux ou trois auparavant », explique Wendy. « La saleté a donc une semaine entière pour s’accumuler. Du coup, le nettoyage demande forcément plus de temps et plus d’efforts. Avec un personnel réduit et des heures en moins, c’est impossible. Nous nous sommes rapidement heurtés aux limites de ce qui est humainement faisable. Mais le personnel de nettoyage a aussi sa fierté et veut faire du bon travail. Certaines personnes ont fini par faire des heures supplémentaires non payées. »

Une large résistance

Le personnel concerné, les syndicats et la société civile ont décidé d’agir rapidement et se sont unis dans un large front, avec deux revendications claires : annuler les mesures d’austérité dans le secteur et obtenir un engagement de la part de la Ville à réembaucher du personnel de nettoyage.

« Comme le front était très large, nous avons fini par obtenir des résultats », explique Wendy. « J’ai pu collaborer de façon très efficace avec ma collègue de la FGTB. Nous avons tout fait ensemble. La coopération avec l’asbl SAAMO a également été cruciale. Ils nous ont par exemple fourni des interprètes. Le secteur du nettoyage emploie beaucoup de personnes issues de l’immigration, ce qui entraîne parfois des problèmes liés à la barrière de la langue. Les interprètes ont été importants pour établir une relation de confiance. Le mouvement féministe nous a également rejoints. Le 8 mars 2024, Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, notre combat a reçu une grande attention. Des photos de l’état des salles de classe ont été publiées dans la presse. En les voyant, beaucoup de parents se sont indignés. Nous avons reçu beaucoup de soutien et de sympathie de leur part, ainsi que de la part d’enseignants. Notre groupe d’action était également présent aux actions du secteur de l’enseignement. Cela nous a permis de renforcer nos liens. Enfin, nous avons toujours pu compter sur le soutien du PTB au sein du conseil communal et lors de nos actions. »

Le groupe a lancé une pétition, soutenue par une série d’organisations : FGTB Centrale générale Flandre orientale, CGSP Enseignement Flandre orientale, CSC Alimentation et services Flandre orientale, SAAMO Gand, Rosa, COC (équivalent de la CSC Enseignement en Flandre) Flandre orientale, COV Flandre orientale, le Collectif 8 Mars Gand, Ella vzw, VSOA (CGSLB) Flandre orientale et Zelle (le mouvement des femmes du PTB). La pétition a notamment tourné dans les écoles. Elle a été remise au conseil communal avec 2 000 signatures.

Le conseil communal reconnaît ses erreurs

Des discussions ont eu lieu avec l’échevine de l’époque, Hafsa El-Bazioui (Groen). « Il y avait des travailleurs chargés de nettoyer les toilettes publiques ou les salles de classe de l’enseignement spécialisé », se souvient Wendy. « Ils ont expliqué que la charge de travail était devenue trop lourde. L’échevine a reconnu que certaines choses n’avaient pas été suffisamment réfléchies. Par exemple, elle et son équipe nʼavaient pas pensé que réduire à une fois par semaine le nettoyage d’une salle de classe fait que la saleté s’accumule et augmente la charge de travail pour la semaine suivante. Quand ils ont été confrontés à la réalité du terrain, ils ont du admettre que les plannings quʼils proposaient n’étaient pas faisables. Malheureusement, l’échevine a changé de discours. Son parti meilleurs salaires et conditions de travail ne pourront être garantis que lorsque la Ville réembauchera du personnel de nettoyage. Le PTB partage cette vision. (Groen) a évidemment voté en faveur de ces mesures d’austérité. »

Mais la lutte menée pendant des mois a fini par payer, en juin de cette année. Le conseil communal a décidé d’annuler la moitié des coupes. « C’est grâce à une large coopération que nous avons remporté cette victoire », souligne Wendy.

La fin de l’histoire ?

Est-ce la fin de l’histoire ? Bien sûr que non. Le front souhaite l’annulation totale de ces mesures. Tant que le nettoyage à Gand restera entre les mains d’entreprises privées axées sur le profit, les problèmes persisterons. De « En tant que délégués syndicaux, nous nous rendons régulièrement sur les différents lieux de travail pour parler avec les gens », explique Wendy. « Le personnel des écoles et des musées nous dira, une fois les nouveaux contrats signés avec les sociétés de nettoyage, sʼil constate une différence en termes de charge de travail. Si ce nʼest pas le cas, nous reviendrons vers le front commun élargi. Il est toujours actif. Si cʼest nécessaire, nous ne manquerons pas de nous remettre en mouvement. »